Le Devoir

L’Europe organise sa riposte aux visées de Trump

Paris exhorte l’UE à défendre sa « souveraine­té économique » contre les États-Unis

- ELEONORE DERMY VALENTIN BONTEMPS à Paris

La France a exhorté vendredi l’Europe à agir pour défendre sa «souveraine­té économique», plaidant pour une riposte forte et concrète aux menaces de sanctions extraterri­toriales américaine­s sur les entreprise­s européenne­s.

«Il est temps que l’Europe passe des paroles aux actes en matière de souveraine­té économique», pour se défendre face aux sanctions que les ÉtatsUnis veulent appliquer aux entreprise­s étrangères travaillan­t en Iran, a estimé le ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire, sur la radio Europe 1.

Le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a jugé pour sa part dans un entretien au quotidien Le Parisien que ces sanctions, de portée extraterri­toriale, étaient « inacceptab­les ».

Plusieurs entreprise­s européenne­s ont fait les frais ces dernières années de ce type de condamnati­ons, permettant à Washington de sanctionne­r des entreprise­s étrangères travaillan­t avec des pays sous embargo, à partir du moment où elles commercent aussi avec les États-Unis ou utilisent le dollar dans leurs transactio­ns.

La banque française BNP Paribas a ainsi dû verser 8,9 milliards de dollars pour avoir enfreint les sanctions contre l’Iran et d’autres pays. Les allemandes Commerzban­k et Deutsche Bank ont elles aussi reçu des amendes en 2015.

«Est-ce que nous acceptons la vassalisat­ion de l’Europe en matière commercial­e? La réponse est non», a insisté M. Le Maire.

Blocage

Avant même de recevoir «fin mai» ses homologues britanniqu­e et allemand pour voir les moyens de riposter, le ministre a indiqué qu’une «feuille de route» contenant « trois propositio­ns très concrètes» était d’ores et déjà prête. «La première réponse, c’est le règlement de 1996, un règlement européen qui permet de condamner les sanctions extraterri­toriales», qui pourrait être renforcé et adapté au nouveau contexte internatio­nal, a-t-il déclaré.

Créée pour contourner l’embargo sur Cuba, cette loi dite «de blocage» permet aux entreprise­s et tribunaux européens de ne pas se soumettre à des réglementa­tions sur des sanctions prises par des pays tiers et prévoit qu’aucun jugement décidé par des tribunaux étrangers sur la base de ces réglementa­tions ne saurait s’appliquer dans l’UE. Elle n’a toutefois jamais été appliquée.

Autre piste, «doter l’Europe d’instrument­s financiers» lui permettant d’être indépendan­te face aux États-Unis. Selon l’entourage de M. Le Maire, l’idée serait de contourner le système bancaire internatio­nal Swift, par lequel passent plus de 90% des transferts de fonds internatio­naux et qui est essentiell­ement contrôlé depuis les États-Unis.

Enfin, le ministre a évoqué l’existence d’«un bureau de contrôle des actifs étrangers qui permet au ministre des Finances américain de suivre les activités des entreprise­s étrangères qui ne respectera­ient pas les décisions américaine­s, de les condamner et les poursuivre».

Ces propositio­ns peuventell­es remporter l’adhésion des États membres de l’Union européenne? Pour l’heure, aucun poids lourd européen n’a ouvertemen­t remis en cause la politique d’extraterri­torialité américaine.

Mais selon M. Le Maire, qui s’est entretenu ces derniers jours avec plusieurs homologues de l’UE, «il y a une vraie prise de conscience de tous les États européens».

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