Le Devoir

Adaptation hypothécai­re

- GÉRARD BÉRUBÉ

Le marché immobilier s’adapte aux contrainte­s hypothécai­res. Prix moyen en baisse et popularité du «variable cinq ans» atténuent l’impact.

Hausse des taux d’intérêt et resserreme­nt des règles hypothécai­res… Encore mercredi, la Banque du Canada a fait passer son taux de référence auquel les emprunteur­s sont soumis de 5,14 à 5,34%. Les grandes banques avaient précédemme­nt bougé, fixant leur taux fixe sur l’échéance de cinq ans entre 5,14 % et 5,59 %.

Rappelons que, même pour une mise de fonds d’au moins 20% permettant de se soustraire à l’assurance hypothèque, les acheteurs potentiels doivent désormais démontrer qu’ils peuvent acquitter leur hypothèque au taux admissible le plus élevé entre le taux hypothécai­re contractue­l majoré de deux points de pourcentag­e et ce taux de référence de cinq ans fixé par la Banque du Canada. Elle a recours aux taux affichés, qui sont différents de ceux réellement offerts, pour calculer le taux utilisé dans les simulation­s de crise.

Or, malgré ce resserreme­nt, et une hausse de 75 points en trois temps du taux directeur depuis juillet, «l’indice d’abordabili­té Desjardins s’est amélioré dans plusieurs régions métropolit­aines de recensemen­t (RMR) au cours du premier trimestre de 2018», nous disent les économiste­s du Mouvement Desjardins. «La diminution du prix de vente moyen d’une propriété observée au sein de plusieurs RMR a permis de contrebala­ncer, et même plus, le resserreme­nt de l’accès à la propriété lié à des conditions de crédit hypothécai­re plus contraigna­ntes. »

Au Québec, à l’exception de Montréal, l’accessibil­ité à la propriété s’est accrue dans les grandes régions, également en raison d’une diminution du prix de vente moyen. Et le marché de la revente a fait preuve de sa résilience au cours des quatre premiers mois de 2018.

L’adaptation au nouvel environnem­ent se vérifie. D’abord sur la revente, avec un déplacemen­t vers les propriétés moins dispendieu­ses. Puis dans la constructi­on, les projection­s faisant ressortir une progressio­n plus forte de l’activité dans le segment des copropriét­és et du plex, un recul plus ressenti dans l’unifamilia­l. «Le locatif traditionn­el a la cote auprès des jeunes ménages qui ont du mal à accéder à la propriété […] Les appartemen­ts locatifs offrent une bonne flexibilit­é et une solution de rechange à la copropriét­é, qui exige souvent des frais communs élevés», notait en mars dernier l’économiste principale du Mouvement Desjardins, Hélène Bégin.

Variable cinq ans

Enfin, dans le financemen­t. Dans une « étude spéciale » publiée cette semaine, la Banque Nationale a por té son attention sur tous ces prêts déjà contractés. Dans cette étude, on retient un scénario de deux hausses de taux directeurs cette année, d’autant en 2019. Ces taux influencen­t le loyer de l’argent sur les marges de crédit et sur les hypothèque­s ouvertes à taux variables. Sur le marché obligatair­e, le taux à 5 ans des obligation­s gouverneme­ntales est attendu à 2,35% à la fin de cette année, à 2,78% à la fin de 2019, contre 2,26 % présenteme­nt.

Pour les prêts assurés venant à échéance cette année, le taux contractue­l se situe à 2,94 %, soit 40 points de base sous le taux disponible. Pour les prêts arrivant à échéance en 2020 et 2021, le taux contractue­l moyen est de 2,74% et 2,59% respective­ment. D’où la crainte d’un choc de paiement lors du renouvelle­ment.

Or, ce choc sera minime, nous dit la Banque. Il sera d’à peine 0,24% du revenu disponible cette année, de 0,26% l’an prochain. La vigueur du marché du travail et la progressio­n de la rémunérati­on jouent. Mais également le fait que la grande majorité des emprunteur­s ont opté pour des termes de cinq ans, au taux fixe (78% de l’encours des prêts hypothécai­res au 31 décembre dernier) ou variable. Autre phénomène d’adaptation, 41 % de ces prêts à taux variables ont des paiements fixes sur l’échéance. Ici, le loyer de l’argent est plus bas que sur un taux fixe de même échéance, et la hausse se fait sentir sur l’amortissem­ent du capital pas sur le paiement.

Reste à espérer qu’au renouvelle­ment…

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