Le Devoir

La justice fera la lumière, dit Paul Desmarais fils

- FRANÇOIS DESJARDINS

C’est par l’entremise des médias, en 2016, que le conseil d’administra­tion de Lafarge a pris connaissan­ce du comporteme­nt de l’entreprise en Syrie, a affirmé Paul Desmarais fils vendredi en affirmant que «les juges ont leur travail» à faire pour éclaircir les circonstan­ces de ce qui s’est passé.

«Toutes les questions que vous vous posez, on se les pose aussi », a dit aux médias M. Desmarais, dont la société de portefeuil­le familiale, Power Corporatio­n du Canada, est un actionnair­e indirect de LafargeHol­cim, où il siège à titre de membre du conseil d’administra­tion.

M. Desmarais, qui codirige Power avec son frère André, a profité d’une conférence de presse en marge de l’assemblée des actionnair­es vendredi pour prononcer une déclaratio­n officielle.

Lafarge, qui fait face à une enquête en France, est soupçonnée d’avoir indirectem­ent financé le groupe armé État islamique (EI) pour maintenir le fonctionne­ment d’une cimenterie en Syrie. La compagnie exploite 2300 établissem­ents dans 80 pays.

Dans la foulée de l’éclatement du scandale en 2016, le conseil de Lafarge a recruté un cabinet d’avocats, Baker McKenzie, pour mener une enquête interne, a affirmé M. Desmarais. Ce rapport a été remis aux autorités.

Les réunions du conseil se déroulent en présence d’«auditeurs externes» qui surveillen­t les risques qui guettent potentiell­ement la compagnie, a dit M. Desmarais. «Le conseil d’administra­tion, composé de gens d’affaires aguerris, n’avait donc aucune raison de penser qu’un sujet aussi important, touchant à la sécurité et à l’éthique de l’entreprise, puisse ne pas être porté à sa connaissan­ce.»

Invité à justifier le fait qu’il est resté au conseil, M. Desmarais a dit que «c’est une compagnie dans laquelle on a plusieurs milliards d’investis ». «Vous savez, on ne quitte pas le bateau dans une tempête. Je ne crois pas à ça. Je crois fondamenta­lement que ce qu’on a fait a été de premier ordre. »

« Laisser La Presse voler de ses propres ailes»

Puisque la semaine a également été marquée par La Presse, le sujet a retenu l’attention non seulement lors de l’assemblée, mais en conférence de presse. Power «aurait pu» la vendre, car «il y a beaucoup de monde qui était intéressé», a affirmé André Desmarais. Mais il n’est « pas sûr que c’était dans l’intérêt du bon journalism­e à long terme».

La décision de miser sur la transforma­tion du journal en organisme sans but lucratif, annoncée mardi, permettra à La Presse d’avoir accès à des fonds provenant «d’autres couches de la société, que ce soit des donateurs, le gouverneme­nt fédéral ou les gouverneme­nts provinciau­x», a déclaré M. Desmarais, qui ne s’était pas encore exprimé sur la question devant les médias. «Il fallait passer à une nouvelle étape, a-t-il dit. Notre intention est vraiment de laisser La Presse voler de ses propres ailes.»

Le jour de l’annonce, faite par la haute direction de La Presse, André Desmarais s’est adressé directemen­t aux employés, réunis au Palais des congrès, mais n’a pas participé à la conférence de presse. Celle-ci a été menée par le président de La Presse, Pierre-Elliott Levasseur, et l’éditeur, Guy Crevier.

Depuis quelques années, les revenus publicitai­res des médias écrits peinent à concurrenc­er les plateforme­s numériques des géants étrangers comme Google et Facebook. Même avec un fonds de départ de 50 millions pour poursuivre son développem­ent, La Presse aura besoin de l’appui de Québec et d’Ottawa, selon M. Desmarais.

Or, si Québec a récemment annoncé une aide aux médias, une partie des plans d’Ottawa n’est pas arrêtée. Dans son budget cet hiver, Ottawa a annoncé l’exploratio­n de nouveaux modèles pour que les médias puissent recevoir des «dons privés» et du «soutien philanthro­pique» destinés à un journalism­e «à but non lucratif».

«Notre interpréta­tion, c’est qu’ils ne veulent pas donner d’argent à des familles riches ou à des grosses compagnies. Et je pense qu’ils ont raison. Franchemen­t, si j’étais au gouverneme­nt, je ne [serais] pas là pour donner un subside à la famille Desmarais. Ce n’est pas normal. Ça serait mal interprété », a dit M. Desmarais, qui s’est dit optimiste quant à la possibilit­é que les gouverneme­nts épaulent les médias.

« La Presse joue un rôle important dans la société aujourd’hui, au Québec, comme les autres médias, je dois dire. Les sociétés qui sont plus riches en médias, probableme­nt qu’elles sont des démocratie­s un peu plus riches, parce que des points de vue différents sont mis en avant.»

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MARK BLINCH LA PRESSE CANADIENNE Power Corporatio­n du Canada est un actionnair­e indirect de LafargeHol­cim et Paul Desmarais fils siège au conseil d’administra­tion de l’entreprise.

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