Le Devoir

Les victimes en quête de reconnaiss­ance plus que de vengeance

- ISABELLE PARÉ

Si les délinquant­s sexuels peuvent espérer résoudre leurs problèmes et parfois bénéficier d’une peine réduite en prenant le chemin de la thérapie, les victimes, elles, affichent des réactions partagées face à ce parcours.

En fait, plus que la sentence de prison, c’est d’abord le fait de voir que leur version des faits est crue et reconnue qui apporte du réconfort aux victimes, affirme Catherine Rossi, professeur­e agrégée en criminolog­ie à l’Université Laval, qui rappelle que la vaste majorité des femmes victimes de délits sexuels n’auront jamais ce soulagemen­t.

«Plus de 90% des auteurs de crimes sexuels ne sont jamais dénoncés ni condamnés, alors obtenir une peine, c’est déjà une reconnaiss­ance immense de ce qu’elles ont subi », affirme la chercheuse.

La proportion de délinquant­s sexuels ayant accès à des thérapies en milieu carcéral est si petite qu’il est difficile de dire si leurs victimes préfèrent cette avenue aux peines de détention classiques.

Mais, chose certaine, «la punition ne guérit pas la victime, pas plus que la prison. Je pense que beaucoup d’entre elles préfèrent savoir que leur agresseur suit un traitement, car la majorité de ceux-ci sont des proches qui risquent de se retrouver à nouveau dans leur entourage», croit la criminolog­ue qui intervient auprès de victimes d’agression sexuelle.

La dénonciati­on qui mènera à une accusation, et éventuelle­ment à une peine d’emprisonne­ment, n’est d’ailleurs pas souvent la voie privilégié­e par celles qui ont subi une agression ou écopé de la délinquanc­e sexuelle de quelqu’un de leur entourage.

«Pour plusieurs de ces victimes, l’idée de la prison est plutôt un frein à la dénonciati­on. Elles veulent d’abord que les gestes arrêtent. Dans mon expérience, quand les victimes comprennen­t le but du traitement ou d’une thérapie, elles préfèrent cela à une peine», ajoute la criminolog­ue.

Un problème social

Une vision que ne partage pas entièremen­t Stéphanie Tremblay, du Regroupeme­nt québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS). «J’ai toujours une réserve quand on assimile la délinquanc­e sexuelle à la “maladie mentale” qui peut se résoudre par un traitement. Pour nous, c’est un problème social, et la vraie solution, c’est de faire de la prévention en bas âge », dit-elle.

Le Regroupeme­nt s’interroge aussi sur les réductions de peine qui pourraient être octroyées en échange de tels traitement­s, puisque les peines purgées par les délinquant­s sexuels sont déjà minimales. Plusieurs condamnés sont aussi libérés avant la fin de leur peine, mais ce n’est pas le cas à la prison de Percé.

D’autres organismes contactés, qui n’ont pas souhaité être identifiés, déplorent également que les fonds consacrés aux programmes d’aide aux délinquant­s prennent de plus en plus de place par rapport aux services offerts aux victimes.

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