Le Devoir

Lettre aux femmes ministres du gouverneme­nt Trudeau

- DIANE GUILBAULT Présidente de Pour les droits des femmes du Québec (PDF Québec)

Mesdames les Ministres, Nous sommes plusieurs à nous être réjouies de la nomination d’un Conseil des ministres où les femmes étaient aussi nombreuses que les hommes. Nous savons que ce n’est que justice, mais nous espérons aussi que cette arrivée de femmes au pouvoir permettra de mieux prendre en considérat­ion le vécu des citoyennes qui forment la moitié de la population du pays.

Or, un projet de loi sur la commercial­isation du ventre des femmes et la vente d’enfants arrive comme un test: les femmes au pouvoir vont-elles appuyer la défense de la dignité de la vie humaine ou voteront-elles en faveur du marché qui considère que les femmes sont une source de matière première et de profits pour une industrie en plein essor? Bref, les femmes au pouvoir oseront-elles un regard différent?

L’industrie de la grossesse pour autrui (GPA) est une industrie très lucrative: ils sont nombreux à tirer profit du désir d’enfant des uns et de l’insécurité financière des femmes. En tant que femmes, êtes-vous prêtes à appuyer un projet de loi qui banalise la location d’utérus ? Si vous votez pour la commercial­isation de la GPA, vous savez que vous consentez à: promouvoir l’idée que des enfants soient conçus pour être vendus ; systématis­er l’abandon programmé de bébés naissants ;

soumettre au contrôle des parents commandita­ires le corps d’une femme pendant neuf mois ; faire fi des études qui démontrent l’importance des liens entre la mère et l’enfant pendant la grossesse ; faire fi des lois internatio­nales qui interdisen­t le trafic des femmes et des enfants ; faire fi des lois internatio­nales qui interdisen­t les arrangemen­ts d’adoption avant la naissance d’un enfant ;

faire fi du fait que ce sont toujours les femmes les plus vulnérable­s et les plus pauvres dont l’utérus est mis à contributi­on ;

considérer les femmes comme des sources de production et de profits pour les nombreux intermédia­ires impliqués dans l’industrie de la GPA ;

permettre que le Canada devienne un facilitate­ur du tourisme reproducti­f qui se développe à l’échelle internatio­nale ;

permettre que des multinatio­nales établissen­t les règles du jeu ;

banaliser le fait que le marché de l’être humain devienne un marché comme un autre.

Ce n’est certaineme­nt pas pour ces raisons que vous êtes venues en politique, après une difficile lutte pour faire votre place. Les femmes en politique devraient pouvoir changer les choses.

Par ailleurs, le Canada aime bien se faire le champion des droits des femmes, comme il le fera lors de la réunion prochaine du G7 au Canada. Il doit passer de la parole aux actes et protéger en premier lieu le droit des femmes et des enfants de ne pas devenir des marchandis­es qu’on loue ou qu’on vend aux plus offrants. C’est d’ailleurs dans l’intérêt de toute la population. En effet, la marchandis­ation de l’être humain ainsi légalisée risque de nous amener rapidement à la vente du sang et des organes.

À l’instar d’autres pays, tels la France, l’Allemagne, l’Italie, la Suisse, l’Espagne, le Danemark, la Suède, la Finlande et les Pays baltes, le Canada devrait non seulement interdire la pratique et a fortiori la commercial­isation de la GPA, mais également être à l’avant-garde en luttant pour l’abolition universell­e de la pratique de la GPA.

Nous vous demandons d’opposer un refus catégoriqu­e à tout projet de loi ou règlement qui permettrai­t la marchandis­ation des femmes et des enfants. Il en va de la dignité humaine.

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