Un roman d’apprentissage à demi impressionniste
Françoise de Luca raconte l’histoire en accéléré d’une femme fuyant les fantômes de son passé
Mathilde avait toujours eu avec son jeune frère une relation étroite, quasi exclusive. Différent comme elle, à leur manière tous les deux semblables, attiré par les garçons comme elle était attirée par les filles, ils seront proches jusqu’à ce que le jeune homme se métamorphose à l’adolescence en une sorte d’exalté religieux.
Pour son quatrième roman, Françoise de Luca, Montréalaise née en Italie en 1956, reste fidèle aux thèmes de ses premiers livres et compose une histoire dans laquelle une peintre française installée à Brooklyn essaie de s’affranchir des fantômes de son passé familial et amoureux.
Campé dans une époque floue à la géographie incertaine, Le renard roux de l’été raconte l’histoire en accéléré de cette jeune femme qui va quitter «la petite ville grise» européenne pour la «Grande Ville», où elle ira étudier les arts visuels.
Loin de sa famille, elle vivra une courte histoire d’amour avec Sara, étudiante comme elle à l’école des beaux-arts, avant que celle-ci ne parte rejoindre son père, diplomate au Japon. Malgré de belles promesses, Mathilde n’aura plus jamais de nouvelles. À qui la faute ?
De perte en perte, la jeune femme se reconstruit, tandis que la peintre en elle se trouve et s’affirme. Ce qu’elle fixe sur la toile devient une forme de permanence qui lui fait défaut, une présence plus vraie et plus concrète, éprouve-t-elle, que tous les serments d’amour.
Quelques années plus tard, après un déménagement à New York, malgré le temps et la distance, la douleur et le manque persistent. «Toutes les recherches de Mathilde étaient demeurées vaines. Et elle s’étonnait toujours que dans cette immense galaxie du possible, là où l’univers entier semblait à sa portée, il n’y ait nulle part trace de Sara ni de son père. Sara était-elle devenue peintre? Pourquoi n’avait-elle pas répondu à Jérémy? Avait-elle choisi un autre nom? Pourquoi Mathilde n’avaitelle jamais reçu de lettre?»
De ruptures en abandons, Mathilde tombera amoureuse d’une autre femme, s’approchant peu à peu du bonheur. «Il n’y a pas de mots pour décrire le bonheur. Il ne se mesure qu’en images: la vie éclatant de partout et se recourbant autour de quelques visages et d’un carré de rues.»
Mais toujours habitée par le souvenir de sa relation symbiotique avec son frère, avec lequel elle a coupé les ponts, et croyant un jour l’apercevoir dans la rue, elle sera forcée de faire la paix avec tous les fantômes de son passé. À sa manière, elle fera le choix de «la ligne médiane» pour mieux nourrir «l’alchimie de la toile».
À coups de phrases sobres ou interrogatives, Françoise de Luca compose une sorte de roman d’apprentissage à demi impressionniste où la protagoniste recherche un équilibre intérieur rompu. L’auteure de Pascale (Varia, 2003) et de Sèna (Marchand de feuilles, 2015) met au jour une fois encore avec sensibilité des racines familiales tordues et des histoires d’amitiés féminines équivoques.
Entre passions sobres et désincarnées, déchirements et création artistique, Le renard roux de l’été est malgré tout une histoire sans éclat racontée sur un mode linéaire. Moyen et un peu redondant.