Le Devoir

Gilles Jacob sur…

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Harvey Weinstein

«Il y avait quelque chose dans son physique et dans ses manières qui me dégoûtait. Ce n’était pas tant sa corpulence que son regard acéré, dont on sentait confusémen­t qu’il vous scrutait pour mieux vous intimider », écrit-il à la lettre W de son Dictionnai­re amoureux du festival de Cannes. «C’était quelqu’un d’extrêmemen­t violent qui n’hésitait pas à vous téléphoner 15 fois pour vous forcer à prendre un de ses films [dans la sélection], ajoute l’ex-président du Festival au téléphone. Nous ne savions rien de ce qu’il cachait, mais ce que nous avons appris révèle qu’il n’est pas normal et qu’il est répugnant. »

Xavier Dolan

« L’arrivée sur la scène internatio­nale du petit prodige Xavier Dolan, né en 1989, découvert par la Quinzaine (J’ai tué ma mère), multiprimé à vingt-huit ans (Mommy, Juste la fin du monde, Grand Prix Cannes 2016), fait du bruit. À ce r ythme, il ne sera pas long à rattraper, le record de participat­ion cannoise de Denys Arcand, phénoménal succès mondial avec Le déclin de l’empire américain… au titre symbolique (Quinzaine 1986). Et — qui sait ? — à réconcilie­r un cinéma de recherche boudé par le public et un cinéma de coproducti­on à gros budget… », écrit-il dans son article consacré au Québec. Article dans lequel il revient sur

J. A. Martin photograph­e, de Jean Beaudin, et son prix d’interpréta­tion décerné à Monique Mercure en 1977 et sur Jean-Claude Lauzon, « destiné à une grande carrière », « mais mort prématurém­ent à quarante-trois ans dans un accident d’avion».

La critique

« On tiendra compte, bien sûr, du tempéramen­t de chaque critique, mais, au Festival, il est plus facile de descendre en flammes un film qui a déplu que d’exposer longuement, après mûre réflexion, les qualités et les défauts d’une oeuvre attendue, y compris au tournant », écrit-il avant de nuancer lui-même ses propos. « Je pose un regard critique sur la critique, mais c’est aussi un regard tendre, dit-il. Les critiques travaillen­t très dur pendant le Festival. Tout va trop vite. Ce n’est pas évident pour eux. Mais ce métier reste tout de même l’intermédia­ire entre l’artiste et le public. Sans critique, il n’y aurait pas de progrès du cinéma. »

Jeanne Moreau

« C’est la marraine du Festival, car elle a occupé tous les postes, dit-il. Elle a été starlette, comédienne, elle a gagné un prix d’interpréta­tion [pour son rôle d’Anne Desbarèdes dans Moderato cantabile de Peter Brook, en 1960], elle a été deux fois présidente du jury, elle a présenté les cérémonies de remise de la Palme d’or, celle du cinquantiè­me anniversai­re… Et en plus de son talent, elle avait une très grande sensibilit­é. C’était une grande dame du cinéma. »

Serge Losique

« Le souverain et talentueux Serge Losique a très longtemps porté à bout de bras le Festival des films du monde de Montréal, qu’il a créé en 1977 et dont il s’enorgueill­issait d’avoir fait le Cannes des Amériques », écrit-il dans son dictionnai­re. Mais il se dit triste d’apprendre qu’aujourd’hui, ce festival n’est même plus l’ombre de lui-même. « Serge n’a pas su passer la main à temps, dit-il. Il a énormément travaillé pour ce festival, qui avait de grands visiteurs et un programme important. Comme tout le monde, il a ses qualités et ses défauts, mais il mérite d’être salué pour sa contributi­on. Et je le salue. »

L’affaire La grande bouffe

En 1973, le film de Marco Ferreri fait scandale lors du Festival de Cannes. « Ce soir-là, le public en tenue de soirée s’insurge, les acteurs du film doivent quitter la salle sous les huées, voire les crachats. La grossièret­é était dans le film [l’histoire d’un suicide collectif entre amis à grand coup d’excès de nourriture, de sexe et d’alcool…] et la vulgarité aux lèvres des siffleurs », écrit-il. « Quand on y pense aujourd’hui, c’est inimaginab­le, ajoute-t-il en entrevue. C’était un film agressif, oui, une fable pessimiste en avance sur son temps. Mais quand même : Catherine Deneuve s’est fait cracher dessus, non pas parce qu’elle était dans le film, mais plutôt au bras de Marcello Mastroiann­i, son compagnon de l’époque. »

Les starlettes

« La starlette a longtemps fait les beaux jours du Festival de Cannes, les unes des magazines, les pages spectacle de France-Soir à l’époque où le journal tirait à un million et demi d’exemplaire­s, écrit-il. […] L’élégance en maillot de bain évoque le sous-vêtement, le sous-vêtement c’est le sex-appeal, on est prié de regarder mais de ne pas toucher. » La starlette est au croisement du cinéma et de la sexualisat­ion à outrance de ses actrices. « Le cinéma a toujours été l’art de faire faire de jolies choses à de jolies femmes, pour reprendre la formule de Jean George Auriol de La Revue du cinéma, dit-il. Les starlettes sur la croisette ont toujours attiré le regard des hommes. Mais il ne faut pas oublier que les acteurs ont aussi attiré le regard des femmes. »

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FRANCOIS MORI ASSOCIATED PRESS Jeanne Moreau
 ?? ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR ?? Serge Losique
ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Serge Losique
 ?? LOÏC THÉBAUD TÉLÉFILM CANADA ?? Xavier Dolan
LOÏC THÉBAUD TÉLÉFILM CANADA Xavier Dolan
 ?? KEVORK DJANSEZIAN AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Harvey Weinstein
KEVORK DJANSEZIAN AGENCE FRANCE-PRESSE Harvey Weinstein

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