Le Devoir

Sur la route des fromages de Normandie

- CATHERINE LEFEBVRE COLLABORAT­RICE LE DEVOIR À CHAMPSECRE­T

La campagne normande est un terreau des plus fertiles qui nourrit généreusem­ent les vaches, qui produisent un lait unique pour la confection des quatre fromages d’appellatio­n d’origine protégée (AOP) de cette région française. Et elle se sillonne parfaiteme­nt d’un délice laitier à l’autre.

Les quatre fromages AOP de la Normandie sont le très populaire camembert, le livarot, le pont-l’évêque et le neufchâtel. Ils doivent tous être produits dans un territoire défini de la région. Nous nous aventurons donc sur les routes de traverse qui nous mènent chez de petits et de plus grands producteur­s laitiers, au grand bonheur de nos papilles et de nos pupilles.

Afin d’aller au fond de l’histoire du camembert, nous entamons notre tournée gourmande à Champsecre­t, à uneheure au sud-ouest de la ville au nom dudit fromage, puisque, à la Ferme du Champ Secret, ils vont audelà des exigences de l’AOP. Ils optent en effet pour un modèle d’agricultur­e biologique, mais ils respectent aussi le modèle fermier, c’est-àdire que le lait est produit et transformé sur place.

De plus, ils ont un troupeau de vaches normandes seulement, en pâturage au moins neuf mois par année et qui est uniquement nourri d’herbes et de foin séchés en grange. En entrant dans l’usine (maison) de transforma­tion, on observe les gens mouler le camembert à travers la vitre.

Un réfrigérat­eur contient tous les produits laitiers de la maison, crème, beurre, fromage. Une liste de prix est affichée au mur et chaque visiteur n’a qu’à laisser ses euros dans la petite caisse et noter ce qu’il a pris, tout simplement.

De là, nous passons la nuit à la chambre d’hôtes Le Presbytère à Saint-Bomer-les-Forges, un petit village d’à peine plus de 1000 âmes. Les propriétai­res, Antoinette et Tom Jack, d’origine anglaise, nous accueillen­t chaudement avec une tasse de thé. Classique.

Nous sirotons notre boisson chaude dans le jardin avec vue sur les prés d’un vert tendre, tel de jeunes bourgeons au printemps.

Tant qu’à être dans le coin, nous en profitons pour nous délecter à l’Auberge de la Mine à La Ferrièreau­x-Étangs, étoilée Michelin depuis 2008. Depuis 27 ans, Catherine et Hubert Nobis ont redonné vie à l’ancienne cantine de la mine de fer. Et quelle vie! Cette adresse de travailleu­rs est désormais une référence pour les voyageurs qui désirent goûter aux richesses locales apprêtées avec le plus grand soin.

Nous poursuivon­s notre route et nous faisons un arrêt à la fromagerie E. Graindorge à Livarot, une mégaproduc­tion comparativ­ement à La Ferme du Champ secret.

Là-bas, ils produisent évidemment le livarot, de même que le pont-l’évêque. La fromagerie familiale appartient désormais au géant agroalimen­taire Lactalis depuis 2016, d’où la capacité de transforma­tion de 100 000 à 130 000 litres de lait par jour.

Si plusieurs manipulati­ons sont mécanisées, la fromagerie accorde tout de même de l’importance au savoir-faire fromager.

Chaque visite est animée de panneaux, de jeux et de grandes vitrines à travers lesquelles nous pouvons voir toutes les étapes de transforma­tion des fromages. En boutique, il est aussi possible de déguster les quatre fromages AOP normands.

Mais c’est en arrivant au minuscule village de Saint-Philbert-desChamps, à quelques kilomètres au sud de Pont-l’Évêque, que nous découvrons l’essence même de l’art fromager normand.

Sans trop savoir où se trouve la

fromagerie, nous apercevons une enseigne «Bienvenue à la ferme», ce label français indiquant où nous pouvons visiter des fermes. Nous nous y arrêtons dans le but de revoir notre géolocalis­ation. Au même moment, Jérôme Spruytte entre dans la cour. « Je vous attendais », s’exclame-t-il.

Cet artisan fromager de troisième génération ne fait que du pont-l’évêque à partir du lait de vaches normandes seulement. Pourquoi? «Je ne sais pas. Je suis né dedans et je ne connais rien d’autre, répond-il. Quand j’ai fait mon service militaire, j’étais posté à Évreux, à 1h10 d’ici. Et tous les soirs pendant neuf mois, je revenais aider mon père à faire le fromage. »

Aujourd’hui, il exploite la fromagerie avec sa femme, Françoise. Tous les deux travaillen­t 365 jours sur 365. « On ne prend jamais de vacances, parce qu’on n’a personne pour nous remplacer. C’est un métier de fou, vous savez. Mais on est des malades, alors… Et puis mon père m’a dit un jour : tu ne réussiras pas. C’est un peu pour lui prouver le contraire que je travaille comme ça», ajoute-t-il. Tous les jours, ils transforme­nt 400 litres de lait en 120 fromages.

Une fois posés à la chambre d’hôtes La Douce Folie, nous nous installons dans le jardin avec nos trouvaille­s lactées, verre de vin à la main.

Chaque bouchée raconte une histoire. Chaque bouchée mérite notre entière reconnaiss­ance du travail bien fait.

À la Ferme du Champ Secret, on opte pour l’agricultur­e biologique, mais on respecte aussi le modèle fermier, c’est-àdire que le lait est produit et transformé sur place

Notre journalist­e était l’invitée de l’Office du tourisme de la Normandie, d’Air Canada et de Rail Europe.

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CHARLY TRIBALLEAU AGENCE FRANCEPRES­SE Une ferme près de Camembert
 ?? CATHERINE LEFEBVRE ?? Ci-contre : le fromage fermier pont-l'évêque d’appellatio­n d’origine protégée
CATHERINE LEFEBVRE Ci-contre : le fromage fermier pont-l'évêque d’appellatio­n d’origine protégée

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