Le Devoir

Cuisine du marché au Clocher Penché

- CATHERINE FERLAND COLLABORAT­RICE LE DEVOIR À QUÉBEC

Désireux d’oublier la grisaille d’un printemps qui tarde à s’installer pour de bon, mon compagnon et moi optons pour un lieu réputé pour sa cuisine chaleureus­e, Le Clocher Penché, sur la rue Saint-Joseph.

Un peu interloqué­s par le volume sonore qui nous assaille dès l’entrée — la salle à manger est pleine et l’acoustique amplifie le bruit des conversati­ons —, nous nous attablons. La suite des choses confirmera que cette ambiance certes joyeuse ne se prête guère à la conversati­on… ou convient précisémen­t aux confidence­s, qui seront assurément bien couvertes par la clameur!

À l’ombre du clocher

Étonnant petitresto: à deux pas se dresse l’église Notre-Dame-deJacques-Cartier, dont le clocher légèrement oblique a inspiré le nom. Construite en 1875 et consolidée en 1940, cette curiosité architectu­rale veille avec bienveilla­nce sur ce coin du quartier Saint-Roch. L’édifice luimême est une ancienne banque, comme le laissent deviner le comptoir et, surtout, l’accès aux toilettes… situées dans une ancienne portion voûtée gardée par une porte blindée.

Ce qui était à l’origine un café est maintenant un restaurant qui a atteint sa pleine maturité. Certains éléments sont devenus des classiques du Clocher Penché, par exemple le fromage en faisselle, les plats en cocotte prévus pour deux personnes ou encore le recours assumé aux meilleurs produits locaux. Nous nous en prévaudron­s largement.

Fraîcheur, fraîcheur

Pour commencer, nous décidons de partager une faisselle. Dave se dévouera afin d’essayer une viande totalement nouvelle pour nous, le loup marin, tandis que je savourerai quelques huîtres.

La carte des vins est intéressan­te, proposant des valeurs sûres ainsi que des produits beaucoup moins usuels. Le sommelier du Clocher, Marc Lamarre, vient d’ailleurs de remporter le prix du Sommelier de l’année lors du gala des Lauriers de la gastronomi­e québécoise. Mon homme se décide pour un Stellenbos­ch Thirst Cinsault 2017 Radford Dale, tandis que je m’offre un verre de Terra Alta garnaxta blanca (je vous le donne en mille: il s’agit de grenache blanc) 2016 de la maison Herència Altés, un

éclatant catalan qui semble prometteur avec les entrées.

C’est effectivem­ent le cas. La saveur acidulée et la texture crémeuse du fromage frais sont fort bien mises en valeur par le fléflé (une purée de piment rouge d’origine syrienne), la laitue iceberg, les chips de bagel et la touche d’huile d’Espelette. Une entrée tout en fraîcheur.

Dans une présentati­on fort originale, sur deux étages, je reçois ensuite mes six huîtres de l’Île-duPrince-Édouard accompagné­es d’un amusant granité au Bloody Mary, tandis que mon compagnon découvre son mi-cuit de loup marin en croûte d’épices, avec purée de matsutake et champignon­s marinés. Cette viande — du phoque — est tendre comme du filet mignon! Mais on aurait aimé pouvoir en découvrir le goût naturel, qui se trouve ici un peu occulté par la vinaigrett­e aux noix et surtout les épices. Peut-être est-ce simplement une manière d’introduire cet aliment inhabituel dans nos assiettes?

Qu’est-ce qui mijote ?

Poursuivan­t en partage, nous avons opté pour la casserole du moment, un délicieux magret de canard servi avec un ragoût d’orge, de champignon­s et de légumes. Présenté dans un plat en fonte, il dégage d’appétissan­ts arômes. Les textures et saveurs sont variées et bien contrastée­s, ce qui permet de s’adonner, encore et encore, au plaisir de composer des bouchées. Un peu d’orge, un bout de canard, et hop, on pique un brocoli, puis on plonge dans la sauce au vin… enfin, vous voyez ce que je veux dire.

Une part de cette copieuse casserole finit dans un plat pour emporter. On y gagne un somptueux repas pour le lendemain… et le petit espace nécessaire pour conclure par un dessert, partagé lui aussi. L’homme, qui a la dent plus sucrée que la mienne, est chargé de choisir.

Bien que n’étant pas le genre de personne à m’exciter devant la mention «tarte au sucre» d’un menu, il faut ici admettre qu’on a su réinventer ce classique avec beaucoup de finesse et d’originalit­é.

L’appareil onctueux est en quelque sorte camouflé dans une pâte feuilletée évoquant le strudel, coiffé de bâtonnets de pommes et de dés de légumes racines (j’admets avoir omis de noter lesquels) et parsemé de noix grillées. Un peu de glace à la vanille vient donner la petite touche de «cochonceté» recherchée. Une finale à donner une raison d’aller se confesser à l’église d’à côté, si elle n’était désacralis­ée.

Le Clocher Penché

★★★★ $$$ 1/2

203, rue Saint-Joseph Est, Québec, 418 640-0597

Les plus: Un service affable. Des propositio­ns permettant de belles découverte­s. Une expérience gastronomi­que très agréable. Les moins: Le bruit ambiant tend à être très fort en période d’affluence. J’y retournera­is plutôt en semaine ou pour le dîner. Coût pour deux, nourriture seulement, avant taxes: 115$. Coût total pour deux (incluant alcool, taxes et service): 178$.

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PHOTOS RENAUD PHILIPPE LE DEVOIR Ce qui était à l’origine un café est maintenant un restaurant qui a atteint sa pleine maturité. Certains éléments sont devenus des classiques.
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