Le Devoir

Du sang neuf dans les conseils municipaux

- JEAN-FRANÇOIS VENNE Collaborat­ion spéciale

En 2013, Julie Bourdon songe à se présenter aux élections municipale­s, mais comme elle a deux enfants de moins de cinq ans et un emploi de directrice générale d’un organisme communauta­ire, elle décide d’attendre. En octobre 2015, le conseiller Pierre Breton quitte ses fonctions pour devenir député fédéral. Julie Bourdon se lance dans la course, contre cinq autres candidats. Elle sera finalement élue avec 194 voix d’avance dans le district 3 au terme d’une chaude lutte, puis réélue avec près de 65 % des voix en novembre 2017.

Pourquoi la politique municipale? L’ancienne directrice générale de la défunte Fédération étudiante universita­ire du Québec (FEUQ) souhaite s’engager dans l’avenir de la ville qu’elle a adoptée il y a près de dix ans et dans laquelle elle a fondé une famille. «Le conseiller municipal réalise vraiment un travail de terrain, souligne-t-elle. Ses actions ont des effets concrets et rapides dans des domaines importants, tels l’environnem­ent, le développem­ent économique et industriel, l’aménagemen­t des routes, la culture, les loisirs ou le tourisme.» Julie Bourdon est d’ailleurs responsabl­e du développem­ent commercial et touristiqu­e de la ville.

Femmes et jeunesse

Elle souhaite mener à bien plusieurs dossiers, comme l’implantati­on de la politique d’égalité hommes-femmes adoptée en octobre dernier à Granby. Celle-ci vise à poser des actions concrètes pour favoriser la parité dans les comités, les nomination­s et les postes décisionne­ls de la municipali­té, mais intervient aussi en dehors des structures de la Ville. Elle prévoit, par exemple, un budget de 20 000$ pour des initiative­s favorisant l’égalité entre les hommes et les femmes.

La plus jeune élue du conseil est aussi l’une des trois femmes qu’on y retrouve (sur onze élus), un record pour Granby. La Ville n’en avait jamais eu plus que deux et n’en comptait aucune lorsque Julie Bourdon s’est présentée pour la première fois en 2015. Au Québec, les femmes représente­nt 32,3% des élus, mais occupent seulement 19,8% des postes de maire, selon le ministère des Affaires municipale­s et de l’Occupation du territoire (MAMOT). Cette proportion a augmenté de 5,7% depuis 2005.

Par ailleurs, la proportion des femmes parmi les élus est inversemen­t proportion­nelle à l’âge. De 20,3% chez les 65 ans et plus, elle grimpe à 36,3% chez les 45 à 54 ans, puis à 42,5 % chez les 18-34 ans. Signe d’une réelle tendance au changement, laquelle pourrait un jour se répercuter sur les postes de maire.

«La diversité dans les conseils municipaux est essentiell­e pour bien représente­r la population», croit Julie Bourdon. En tant que jeune conseillèr­e, elle entend aussi porter les préoccupat­ions des jeunes familles et oeuvrer à faire de Granby une ville attrayante pour les jeunes.

Il s’agit d’attirer des jeunes à Granby, mais aussi d’y faire revenir ceux qui l’ont quittée pour aller étudier à l’extérieur. C’est l’objectif de la politique jeunesse à laquelle elle a contribué. Parmi les mesures adoptées, on retrouve l’embauche de deux travailleu­rs de rue, une présence accrue dans les écoles pour mettre les jeunes en contact avec les services municipaux et connaître leurs préoccupat­ions, ou encore le comité Jeunes Ambassadeu­rs de Granby (JAG). Doté d’un budget de 20 000 $, il permet aux jeunes de développer leurs propres projets et joue un rôle-conseil auprès de l’administra­tion municipale.

Reste à concilier toutes ces responsabi­lités avec la vie de famille. Déjà, l’emploi a été sacrifié, Julie Bourdon souhaitant se consacrer à temps plein à la vie politique municipale. «Bien sûr, il y a souvent des rencontres le soir et les journées sont bien remplies, il faut arriver à trouver un équilibre », reconnaît la conseillèr­e.

Susciter l’engagement politique des jeunes

Depuis 2005, la proportion des élus municipaux de 65 ans et plus est passée de 8,6 % à 20,1 %, alors que celle des élus de 18 à 34 ans restait quasi identique, baissant légèrement de 8,4 % à 8,3 %, selon le MAMOT. Les 35 à 44 ans ont vu leur importance relative dans les conseils municipaux passer de 20,9 % à 17,7 %. L’âge moyen des conseiller­s municipaux au Québec et de 53,1 ans, alors que celui des maires atteint presque le cap de la soixantain­e (58,5 ans).

Ce n’est pas le seul élément qui agace Jérémie Ernould, conseiller municipal de Québec et président de la Commission des jeunes élus et élues de l’Union des municipali­tés du Québec (UMQ), dont fait aussi partie Julie Bourdon. «Nous avons mené une campagne de promotion intense auprès des jeunes pour les amener à voter lors des dernières élections municipale­s, pourtant leur taux de participat­ion a encore diminué », déplore-t-il.

Difficile de déterminer les causes exactes de cette désaffecti­on, mais Jérémie Ernould croit que, si l’on veut augmenter le nombre de jeunes élus dans les conseils municipaux, il faudra commencer par la base, soit intéresser les jeunes à la politique municipale. L’UMQ discute d’ailleurs avec le ministère de l’Éducation et de l’Enseigneme­nt supérieur quant à la possibilit­é d’enseigner aux élèves les notions de gouverneme­nt municipal et d’engagement civique, à peine abordées présenteme­nt.

Une autre dynamique affecte le recrutemen­t de jeunes conseiller­s municipaux. La rémunérati­on de ces postes est proportion­nelle à la population de la municipali­té. Aussi, hors des grands centres urbains, elle ne permet pas de se consacrer à temps plein à cette fonction. Les jeunes parents doivent donc concilier la vie familiale, l’activité politique et un emploi à temps plein. Un bon nombre choisissen­t donc plutôt d’attendre, quand ils ne renoncent pas carrément.

L’UMQ s’efforce aussi d’appuyer plus généraleme­nt les jeunes dans la société québécoise. Depuis 2013, elle collabore, par exemple, au projet Un pont vers demain avec la Fondation Simple Plan. Son Plan municipal d’emploi pour les jeunes des centres jeunesse du Québec vise à favoriser l’intégratio­n des jeunes tout juste sortis de ces structures en leur offrant une expérience de travail. En 2015, dix jeunes ont contribué à faire passer du papier au numérique de nombreux dossiers dans les archives de la Ville de Québec.

«Je suis un entreprene­ur à la base, j’aime le concret et oeuvrer au conseil municipal de Québec m’offre l’occasion de mener des projets dont les impacts pour les citoyens sont tangibles et rapides», conclut celui qui est aussi vice-président du comité d’urbanisme et de conservati­on de Québec.

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ISTOCK Jérémie Ernould, conseiller municipal de Québec et président de la Commission des jeunes élus et élues de l’Union des municipali­tés du Québec, croit que, si l’on veut augmenter le nombre de jeunes élus dans les conseils municipaux, il faudra commencer...

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