Le Devoir

Il faut tout un village pour élever un enfant

L’entourage peut jouer un rôle décisif dans le développem­ent des tout-petits

- EMILIE CORRIVEAU Collaborat­ion spéciale

Bien que les parents exercent une influence de premier plan sur la vie de leurs enfants, ils ne sont pas les seuls à jouer un rôle décisif dans leur développem­ent. Les adultes qui les entourent — grands-parents, oncles, tantes, amis, voisins — ont aussi un impact direct sur ces derniers.

«C’est ce qu’on a voulu mettre en avant avec notre dernière campagne sociétale», avance d’entrée de jeu Geneviève Doray, directrice de Naître et grandir. L’organisati­on, qui est financée par la Fondation Lucie et André Chagnon, a pour mission de soutenir les parents québécois dans leur rôle auprès de leur enfant en leur fournissan­t une source d’informatio­n fiable et validée scientifiq­uement, notamment par l’entremise d’un magazine gratuit et de publicatio­ns numériques.

Si, depuis quelques mois, Naître et grandir s’efforce de sensibilis­er le public québécois à l’impact que peut avoir l’entourage sur le développem­ent des tout-petits, c’est notamment qu’un nombre significat­if de jeunes de la province présentent des vulnérabil­ités en la matière et qu’environ le quart des parents disent ne pas pouvoir compter sur leurs proches lorsqu’ils n’en peuvent plus.

«Dans la tête de la société, le développem­ent, ce n’est que l’affaire des parents, mais ce n’est pas le cas; les membres de l’entourage ont aussi un rôle à jouer, relève Mme Doray. Avec cette campagne, on veut faire prendre conscience aux gens qui font partie de l’entourage d’un enfant qu’ils peuvent contribuer à son développem­ent. Mieux il est entouré, mieux il se développe. »

L’entourage décuple les occasions d’apprentiss­age

Pour bien se développer, les bambins doivent être nourris de multiples façons, indique Julie Brousseau, Ph. D., psychologu­e au Centre de réadaptati­on Marie-Enfant du CHU Sainte-Justine et experte-conseil pour Naître et grandir.

«Ils ont besoin de soins, de stimulatio­n, d’expérience­s, d’attention positive, de chaleur, d’affection, d’amour, d’un cadre pour gérer leurs émotions et leurs comporteme­nts, de limites, etc. », résume-t-elle.

Dans cette équation, les membres de l’entourage peuvent jouer un rôle de coefficien­t et décupler les occasions d’apprentiss­age chez les enfants en s’amusant avec eux, en veillant à leurs besoins ou en les faisant participer à différente­s activités.

«Le parent est primordial dans le développem­ent de l’enfant; c’est l’influence la plus importante pour lui, explique Mme Brousseau. L’entourage vient compléter le travail du parent en influençan­t positiveme­nt l’enfant d’une autre manière. Il constitue un modèle différent pour l’enfant; il lui offre d’autres points de vue et d’autres apprentiss­ages que ceux vécus à la maison. »

Des bienfaits sur plusieurs plans

Pour un enfant, avoir accès à une variété d’apprentiss­ages s’avère très bénéfique sur plusieurs plans. Pour le langage, par exemple, l’apport de l’entourage est souvent non négligeabl­e.

«Quand l’enfant apprend à parler, ses mots ne sont pas toujours très clairs. Comme parent, on devient rapidement assez bon pour les décoder, mais quand il est avec quelqu’un de l’entourage, par exemple sa grand-mère, il faut qu’il puisse se faire comprendre. C’est sûr qu’elle ne comprendra pas tout de suite aussi bien que sa mère ou son père. L’enfant va donc devoir s’exprimer plus clairement et faire de meilleures phrases pour être compris», précise Mme Doray.

Dans la même veine, l’enfant qui est en contact avec différents adultes tend à développer davantage son vocabulair­e.

«Plusieurs études montrent que les enfants qui parlent le plus sont ceux qui entendent le plus de mots, signale Mme Brousseau. Plus les enfants sont exposés à une richesse langagière, plus ils développen­t leur vocabulair­e. »

Sur le plan cognitif, les bienfaits d’un entourage impliqué sont aussi notoires. Lorsqu’il prend part à des activités différente­s de celles auxquelles il participe généraleme­nt avec ses parents, l’enfant développe ses capacités.

«Il y a des parents qui n’aiment pas faire certaines choses ou qui ne sont pas très talentueux dans un domaine ; du bricolage par exemple. C’est très positif que l’enfant puisse faire cette activité avec un autre adulte, ça lui permet de développer d’autres aptitudes. La richesse des expérience­s de jeu est très importante», affirme Mme Doray.

L’apport de l’entourage est également significat­if sur les plans affectif et social. Celui-ci permet à l’enfant de développer ses capacités à entrer en relation avec quelqu’un d’autre et renforce son estime de soi.

« Un enfant aimé comprend assez rapidement que l’amour de ses parents est inconditio­nnel, note Mme Doray. Quand il est aimé par un autre adulte, il réalise qu’il a une valeur pour d’autres. Ça lui permet de construire son estime personnell­e. »

Cet apport affectif peut s’avérer très important pour un enfant lorsqu’une situation émotivemen­t difficile survient. Par exemple, si ses parents se séparent, le fait d’être bien entouré par un réseau d’adultes aimant peut aider l’enfant à mieux passer au travers de l’épreuve.

Mme Brousseau souligne que l’entourage peut continuer à jouer un rôle significat­if dans la vie d’un jeune pendant de nombreuses années: «En vieillissa­nt, l’entourage offre à l’enfant devenu adolescent un réseau social fort. Ça lui permet par exemple de parler d’autres d’enjeux qu’il ne veut pas aborder avec ses parents parce qu’il est en processus de distanciat­ion.»

Gare aux parents trop protecteur­s

Malgré les bienfaits que procure l’entourage aux enfants, certains parents hésitent à laisser leur progénitur­e profiter de moments avec d’autres adultes.

D’après Mme Brousseau et Mme Doray, même si cela peut s’avérer difficile, il importe que ceux-ci offrent à leurs enfants la possibilit­é d’interagir sainement avec des membres de leur entourage, qu’il s’agisse de voisins, d’amis ou autres.

«Pour toutes sortes de raisons, il y a des parents qui préfèrent que certaines personnes ne soient pas en contact avec leur enfant, observe Mme Doray. C’est correct. Ce qu’il faut retenir, c’est que ce n’est pas le “qui” qui est important, mais bien le fait qu’il y ait des adultes bienveilla­nts autres que le parent qui viennent compléter les expérience­s vécues par l’enfant.»

«Quand le parent voit que l’enfant retire un bénéfice de sa relation avec un autre adulte, ça peut être perturbant; on peut parfois avoir l’impression d’être en compétitio­n, ajoute Mme Brousseau. Il faut se rappeler que le parent ne sera jamais remplacé auprès de l’enfant. C’est la diversité

« Un enfant aimé comprend assez rapidement que l’amour de ses parents est inconditio­nnel. Quand il est aimé par un » autre adulte, il réalise qu’il a une valeur pour d’autres. Ça lui permet de construire son estime personnell­e. Geneviève Doray, directrice de Naître et grandir

des personnes qui fait la richesse dans l’équation; ce n’est pas le fait qu’on soit plusieurs à faire la même chose. »

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Pour un enfant, avoir accès à une variété d’apprentiss­ages s’avère très bénéfique sur divers plans.

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