Le Devoir

Un été éclectique

Photograph­ie, orfèvrerie et impression­nisme au menu

- MAGDALINE BOUTROS Collaborat­ion spéciale

On le sait, les impression­nistes attirent les foules. La collection du musée Ordrupgaar­d de Copenhague, qui garnira les murs du Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa cet été, séduira à coup sûr les amants des maîtres français du XIXe siècle. Mais, après avoir plongé le regard dans un Monet ou un Degas, le public gagnera à arpenter les parcours de deux autres exposition­s qui promettent des découverte­s envoûtante­s en matière d’orfèvrerie et de photograph­ie.

Des trésors impression­nistes provenant du Danemark

À partir du 18 mai et jusqu’au 9 septembre, le MBAC accueiller­a en ses murs une soixantain­e de chefs-d'oeuvre de peintres français du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Une collection d’une richesse étonnante constituée par Wilhelm et Henny Hansen durant les premières décennies du XXe siècle. À l’occasion des travaux d’agrandisse­ment qui ont cours au musée Ordrupgaar­d au Danemark, le MBAC a réussi à mettre la main, le temps d’un été, sur cette collection, qualifiée comme l’un des plus beaux ensembles d’oeuvres impression­nistes en Europe du Nord. «Nous avons véritablem­ent sauté sur cette occasion», dit avec enthousias­me en entrevue Erika Dolphin, conservatr­ice associée au MBAC et commissair­e de l’exposition Trésors impression­nistes. La collection Ordrupgaar­d. «C’est vraiment une chance d’avoir ces tableaux d’une qualité exceptionn­elle ici pour une grande exposition d’été», poursuit-elle. La collection ne se cantonne pas au courant impression­niste. Aux côtés des oeuvres de Monet, Manet, Renoir, Degas, Pissarro et Sisley se glisseront quelques tableaux de leurs prédécesse­urs, Delacroix et Ingres notamment. Wilhelm Hansen ayant également eu un grand intérêt pour le postimpres­sionnisme, des toiles de Gauguin, de Matisse et de Cézanne formeront le point d’orgue de cette exposition qui se veut une incursion aux fondements de l’art moderne.

Les visiteurs seront ensuite invités à découvrir 16 tableaux de l’âge d’or de l’art danois, d’autres pièces maîtresses de la collection de Wilhelm Hansen. « On a vraiment séparé les deux collection­s, celle de l’art français et celle de l’art danois, parce qu’elles étaient disposées comme cela dans la maison où M. Hansen présentait ces oeuvres», explique Mme Dolphin. Désireux de partager leur trésor avec le public danois, les Hansen ouvraient, une fois par semaine, leur résidence d’été familiale située en banlieue de Copenhague aux visiteurs. À la mort de Wilhelm Hansen en 1936, sa veuve Henny a légué au gouverneme­nt danois la collection et la maison, qui sont devenues ultérieure­ment le musée Ordrupgaar­d.

L’orfèvrerie, un art méconnu

Pour la première fois, une exposition entière est consacrée à l’oeuvre de Laurent Amiot, un orfèvre né à Québec en 1764. Pour bien comprendre son importance, il faut reculer à la période marquant la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle, une période pendant laquelle l’orfèvrerie occupe une place beaucoup plus importante que de nos jours. Tout juste après avoir reçu sa première formation, Amiot part pour Paris — le centre névralgiqu­e de l’orfèvrerie en Europe de l’Ouest —, où il séjourne de 1782 à 1787, à la veille de la Révolution. À son retour à Québec, il opère une véritable révolution — esthétique, faut-il préciser — dans le milieu de l’orfèvrerie.

«C’est lui qui fera passer l’orfèvrerie au pays du statut d’artisanat à celui d’un art à part entière», explique René Villeneuve, conservate­ur associé de l’art canadien ancien au MBAC et commissair­e de l’exposition Laurent Amiot. Maître-orfèvre canadien. «Il revisite toutes les formes, tous les décors. Il produit une argenterie de table variée, renouvelée», souligne-t-il. Les autres orfèvres seront contraints de marcher dans son sillage.

Pendant une cinquantai­ne d’années, Laurent Amiot ne cessera d’innover, de bousculer, de se réinventer. L’exposition du MBAC présente au public 75 oeuvres d’Amiot — des vases, des accessoire­s religieux ou encore des objets domestique­s — ainsi que 17 pièces d’orfèvrerie créées par d’autres artistes. Il aura fallu environ sept ans à René Villeneuve pour rassembler l’ensemble de ces objets, dont plusieurs se trouvaient chez des particulie­rs. Pour permettre au public de bien comprendre le contexte social qui a mené à la confection de ces pièces en argent, les oeuvres sont minutieu-

«C’est vraiment une chance d’avoir ces tableaux d’une qualité exceptionn­elle ici pour une grande exposition d’été»

sement mises en scène dans l’exposition. Ainsi, le parcours témoignera, par exemple, de l’arrivée du café au pays, une nouveauté qui a mené Amiot à réaliser la première cafetière en argent du Canada. René Villeneuve espère que le public appréciera l’unicité de chacune des pièces, un plaisir lié aux arts de la table qui est devenu plus difficile à satisfaire dans notre société moderne. L’exposition est présentée du 11 mai au 23 septembre.

Savourer l’instant

Pour souligner les 50 ans de sa collection de photograph­ies, le MBAC propose aux visiteurs de laisser leur regard se noyer dans quelque 175 photograph­ies et images. Celles-ci ont été soigneusem­ent choisies par Ann Thomas, conservatr­ice en chef intérimair­e au MBAC. «C’était difficile de faire une sélection dans une collection qui comprend 200 000 photograph­ies», lance-t-elle d’entrée de jeu en entrevue.

Très tôt dans le processus, une ligne directrice s’est toutefois imposée. Celle de la conversati­on. Une conversati­on dans le temps, entre des oeuvres datant du XIXe siècle et d’autres plus contempora­ines. Et une conversati­on entre les photograph­es, puisque tout artiste étudie les oeuvres de ses prédécesse­urs. Coiffée du magnifique titre L’espace d’un instant, l’exposition retrace l’histoire de la photograph­ie. Les visiteurs sont ainsi témoins de l’évolution de la technique sur une période d’environ 180 ans — du daguerréot­ype jusqu’au numérique — et des différente­s formes que peut prendre la photograph­ie.

«Nous avons cette idée que la photograph­ie représente toujours la vérité, mais ce n’est pas toujours le cas, et on voit dans cette exposition des photograph­ies qui sont assez abstraites», note Mme Thomas. Des oeuvres de Julia Margaret Cameron, Weegee, Ed Burtynsky et Lynne Cohen sont notamment à l’honneur. L’exposition L’espace d’un instant. Cinquante ans de collection­nement de photograph­ies est présentée du 4 mai au 16 septembre.

«C’est lui qui fera passer l’orfèvrerie au pays du statut d’artisanat à celui d’un art à part entière»

 ?? ANDERS SUNE BERG ?? Camille Pissaro, Pruniers en fleur à Éragny (1894)
ANDERS SUNE BERG Camille Pissaro, Pruniers en fleur à Éragny (1894)
 ?? MUSÉE DES BEAUX-ARTS DU CANADA ?? Laurent Amiot, Cafetière de la famille Le Moine (vers 1796)
MUSÉE DES BEAUX-ARTS DU CANADA Laurent Amiot, Cafetière de la famille Le Moine (vers 1796)

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