Entre épopée polaire et vie dans un château médiéval
En lui contant le récit de la tragique épopée que fut la fameuse expédition de sir John Franklin dans le Nord-Ouest arctique au XIXe siècle, puis, en l’invitant à replonger dans la vie de château de l’Europe médiévale, le Musée canadien de l’histoire propose cet été au public deux immersions historiques des plus inédites.
Ouverte depuis début mars, l’exposition Périr dans les glaces. Le mystère de l’expédition Franklin vaut indéniablement le détour. Réalisée dans son entièreté par le Musée canadien de l’histoire en partenariat avec le National Maritime Museum de Londres et Parcs Canada, cette exposition revient sur la funeste expédition Franklin, qui, partie de Grande-Bretagne en 1845 pour cartographier le passage du Nord-Ouest dans l’Arctique, n’est jamais revenue.
Originale, cette exposition l’est à plus d’un titre, puisqu’elle présente des objets qui n’ont jamais été vus auparavant au Canada, qu’il s’agisse des artefacts prêtés par le National Maritime Museum, mais aussi et surtout des découvertes archéologiques de Parcs Canada. Les recherches subaquatiques dirigées par l’agence gouvernementale canadienne au cours de la dernière décennie ont ainsi finalement permis de retrouver en 2014 puis en 2016 les deux navires de l’expédition, les HMS Erebus et Terror. Les visiteurs peuvent donc admirer pour la toute première fois des objets retrouvés dans ces épaves. L’exposition s’appuie également sur les précieux récits, transmis de génération en génération, de membres des communautés inuites, dont les ancêtres furent les derniers témoins des navires et de l’équipage.
Une tranche d’histoire méconnue
En plus d’offrir le compte rendu le plus actualisé à ce jour de cette expédition exploratoire et scientifique dirigée par le capitaine sir John Franklin (1786-1847), célèbre officier de la marine britannique, «en qui l’équipage avait confiance et qui n’en était pas à son premier voyage», cette exposition permet de vulgariser un pan méconnu de l’histoire canadienne. «Ces expéditions polaires — tant celle de Franklin que celles qui ont suivi lorsqu’on est parti à sa recherche quelques années plus tard — revêtent une grande importance, car elles ont permis de cartographier le Nord tel qu’on le connaît aujourd’hui. En ce qui a trait à la carte géographique du Canada, elles ont permis non seulement de finir par tracer ce passage du Nord-Ouest, mais aussi de cartographier l’Arctique», souligne Bianca Gendreau, gestionnaire à la recherche au Musée canadien de l’histoire.
Mais l’Histoire avec un grand H n’éclipse pas pour autant ici les destinées individuelles. «C’est aussi l’histoire tragique de 129 personnes, parties d’Angleterre et qui, après, ont disparu. Alors, on présente la préparation de l’expédition, la technologie avancée de leurs navires, qui avaient notamment des provisions pour trois ans. On découvre la vie à bord, ce qu’ils faisaient de leurs loisirs, ce qu’ils mangeaient. On a également donné une idée au sol de l’espace dont ils disposaient pour vivre: à quoi ressemblait le quartier d’un homme de bord, d’un officier, etc.», explique Mme Gendreau.
Reconstituer les pièces du puzzle
Les visiteurs de l’exposition en apprendront sur les facteurs qui ont contribué au dénouement fatidique, mais aussi sur les efforts déployés par lady Franklin pour susciter des expéditions de recherche des deux navires disparus. Une autre section est consacrée au rôle des Inuits et à leur transmission des récits. Les récents résultats des recherches scientifiques sont également présentés, à travers une section médico-légale et une zone consacrée aux investigations subaquatiques de Parcs Canada.
Enfin, à travers les livres, les romans ou encore les jeux vidéo que le mystère Franklin a pu inspirer, l’exposition s’arrête sur la culture populaire entourant cet épisode qui a bel et bien «fasciné l’imagination jusqu’à aujourd’hui», rappelle Bianca Gendreau. Et cela ne devrait pas s’arrêter ici: les recherches se poursuivent toujours pour connaître le fin mot de l’histoire.
Donner à voir un autre Moyen Âge
Dans un registre diamétralement différent, le musée accueillera à compter du 8 juin prochain sa toute première exposition consacrée à l’Europe médiévale. Loin des clichés réduisant le Moyen Âge à un long interlude historique marqué du sceau de l’austérité, Europe médiévale. Pouvoir et splendeur entend redorer le blason de cette période, en donnant à voir toute son opulence et sa vibrance créative.
«Par l’entremise des réalisations, des objets qui seront présentés, on va montrer que, non, ce ne furent pas mille ans de grande noirceur. Au contraire, c’était une période extrêmement dynamique, qui a vu des transformations importantes au niveau de la géographie ou encore des méthodes du pouvoir. C’était également l’époque de l’amour courtois, des croisades, de la guerre de Cent Ans, de la peste… En définitive, une période extrêmement riche en faits et en histoire, comme en témoigneront les objets présentés», a assuré Mme Gendreau, qui est également la conservatrice ayant travaillé sur cette exposition.
Une exposition d’envergure
Fait notable, le musée signe ici sa toute première collaboration avec le très prestigieux British Museum, concepteur originel de l’exposition, qui a fourni la majorité des quelque 250 pièces au programme. Le Musée canadien de l’histoire apporte toutefois sa touche personnelle en y ajoutant des emprunts d’autres établissements, une scénographie originale ainsi que des éléments interactifs visant à contextualiser la période pour le public canadien, qui connaît peutêtre moins la période. «Les objets présentés sont de facture incroyable. Certains sont, par exemple, associés à Richard III, d’autres à Saint Louis ! Je pense également à une superbe tapisserie, de la taille d’un mur, prêtée par le Victoria and Albert Museum, et qui raconte la célèbre et épique bataille de Roncevaux», a expliqué, avec enthousiasme, Bianca Gendreau.
Au fil des différentes zones aménagées à l’image de salles d’un château, les visiteurs se verront raconter la formation de l’Europe à l’époque médiévale, mais aussi le pouvoir royal et ses représentations. L’Église ne sera pas en reste, avec la mise en avant d’objets présentant les différents aspects de la liturgie. L’exposition fera également la part belle aux personnages historiques clés de la période, aux caractéristiques de la vie à la cour, sans oublier la vie quotidienne urbaine des gens ordinaires. Pour boucler la boucle, une zone spécialement développée par le musée sera consacrée à l’influence culturelle du Moyen Âge au Canada.
S’accompagnant d’une riche programmation en journées thématiques, ce rendez-vous avec l’histoire devrait, en définitive, ravir tant les amoureux de l’époque médiévale que les néophytes en la matière.