Le Devoir

Les honneurs pour une artiste des Cantons-de-l’Est

- ANDRÉ LAVOIE Collaborat­ion spéciale

L’établissem­ent n’a pas encore atteint un âge vénérable, mais depuis sa fondation, en 1982, le Musée des beaux-arts de Sherbrooke (MBAS) peut revendique­r une indéniable maturité. Situé au coeur de la capitale des Cantons-de-l’Est et ayant pour mission la conservati­on d’oeuvres d’artistes de la région, le MBAS affiche une fois encore son éclectisme avec deux exposition­s estivales reflétant plusieurs de ses ambitions.

L’été semble déjà entre ses murs, car le 5 mai dernier commençait le volet sherbrooko­is de la 4e édition de la Biennale d’art contempora­in autochtone (BACA), intitulé níchiwamis­kwém | nimidet | ma soeur | my sister, tandis que le 12 mai était inaugurée l’exposition Clémence. De la factrie au musée, consacrée à l’une des plus célèbres artistes et citoyennes de l’Estrie, Clémence DesRochers.

Notre Clémence

Pour Catherine Duperron, chargée de projets au MBAS, «le timing était très bon» pour rendre hommage «à cette femme extraordin­aire». «Par le passé, elle a souvent annoncé à la blague qu’elle présentait son dernier show, mais là, depuis un an, sa retraite, c’est officiel, et l’exposition devenait appropriée, car elle a touché beaucoup de gens à travers le Québec pendant ses 60 ans de carrière.»

Au départ, une amie de la célèbre monologuis­te, artiste peintre, poète et comédienne voulait mettre en valeur ses dessins, mais « nous souhaition­s y ajouter notre couleur muséale», précise Catherine Duperron. Clémence. De la factrie au musée est une véritable rétrospect­ive des diverses facettes de son oeuvre, elle qui pratiquait déjà la multidisci­plinarité avant que ce concept ne soit à la mode.

«L’idée est de montrer que son oeuvre visuelle s’insère dans son oeuvre en général, explique la chargée de projets. Tout au long de ce parcours thématique où il sera question de son enfance, de la nature, des femmes et de la famille, on retrouvera ses chansons, ses poèmes, des photograph­ies, et des témoignage­s d’artistes pour qui Clémence a eu une grande influence.» De Luc Plamondon à Michel Tremblay en passant par Yvon Deschamps et MarieClair­e Blais, ils furent nombreux, et célèbres.

Catherine Duperron était fière de souligner que Patrimoine canadien venait tout juste d’annoncer au MBAS son soutien financier pour mettre en branle une tournée québécoise de cette exposition, qui durera deux ans. N’en déplaise aux Montréalai­s, aucun arrêt n’est prévu dans la métropole. « Nous sommes proches de Montréal, tient-elle à préciser, et comme Clémence est connue à travers tout le Québec, on a préféré contacter des centres d’art au Saguenay–Lac-SaintJean, en Gaspésie et en Outaouais.» L’itinéraire n’est pas encore achevé, mais le tout devrait se mettre en branle en janvier 2019.

Célébrer l’audace de l’art autochtone

Le MBAS souhaitait depuis longtemps s’associer avec la galerie Art Mûr de Montréal pour contribuer au déploiemen­t de la BACA. Une collaborat­ion qui s’inscrit dans le mandat du musée: «celui de présenter, une ou deux fois par année, des exposition­s très ancrées dans le présent», souligne Catherine Duperron, comme c’est le cas pour le volet sherbrooko­is de la biennale.

C’est aussi une occasion de témoigner de manière forte du dynamisme des artistes autochtone­s, qui prennent de plus en plus leur place en art actuel. Au MBAS, on a mis en valeur la démarche de plusieurs artistes féminines du Canada et des États-Unis utilisant le dessin, la photograph­ie ou l’installati­on.

On pourra ainsi admirer le travail de la photograph­e Kali Spitzer, originaire de la Colombie-Britanniqu­e, qui tente de décrire les métissages qui traversent sa communauté, de race comme de genre. D’autres célèbrent le courage des communauté­s autochtone­s, dont celui de la réappropri­ation de certains objets culturels, par exemple le tambour, souvent utilisé par les hommes. Avec Woman’s Drum, Lita Fontaine propose une installati­on qui établit un lien fort avec le «Big Drum», et qui souligne la présence de plus en plus importante de groupes de tambours féminins dans les rencontres communauta­ires et les pow-wow. Quant à l’artiste Erin Konsmo, métisse de l’Alberta, ses dessins sont autant de moyens de communique­r ses préoccupat­ions écologique­s, ou ses messages de prévention de santé sexuelle et reproducti­ve, dessins qui circulent bien audelà de son milieu, sur des affiches ou des t-shirts.

Notez que, si les deux exposition­s estivales du MBAS débutent pratiqueme­nt au même moment, celle consacrée à Clémence DesRochers se prolongera cet automne jusqu’au 18 novembre, tandis que la Biennale se terminera le 4 septembre.

À partir du 12 mai, l’exposition Clémence. De la factrie au musée sera consacrée à l’une des plus célèbres artistes et citoyennes de l’Estrie, Clémence DesRochers C’est une occasion de témoigner de manière forte du dynamisme des artistes autochtone­s, qui prennent de plus en plus leur place en art actuel

 ?? KALI SPITZER NEVER APART ?? Kali Spitzer, Melaw Nakehk’o (2015)
KALI SPITZER NEVER APART Kali Spitzer, Melaw Nakehk’o (2015)

Newspapers in French

Newspapers from Canada