Le Devoir

Les conditions de la CAQ posées aux immigrants

Le parti de François Legault propose des tests de valeurs et de français

- MARIE-MICHÈLE SIOUI Correspond­ante parlementa­ire à Québec Avec Guillaume Bourgault-Côté

La Coalition avenir Québec (CAQ) se défend d’avoir l’intention «d’expulser» des immigrants, en dépit de sa volonté de les soumettre à des tests de valeurs et de français, dont l’échec mettrait en péril la possibilit­é d’obtenir la citoyennet­é canadienne.

«Jamais de son histoire le Québec n’a “expulsé” d’immigrant. Il s’agit d’une responsabi­lité exclusive du gouverneme­nt canadien et cela ne changera pas», écrit le parti de François Legault dans sa plateforme électorale en matière d’immigratio­n.

Le document consulté par Le Devoir, dont le contenu a d’abord été révélé par L’Actualité, fait état de l’intention de la CAQ d’instaurer un «certificat d’accompagne­ment transitoir­e», un document valide pour trois ans qui rend le succès à des tests de français et de valeurs essentiel à l’obtention d’un certificat de sélection. C’est ce certificat qui «est obligatoir­e pour formuler auprès du gouverneme­nt fédéral une demande de visa pour résidence permanente et pour l’obtention, ultimement, de la citoyennet­é canadienne », souligne la formation politique.

À Ottawa, le cabinet du ministre de l’Immigratio­n, Ahmed Hussen, rappelle que «la propositio­n [de la CAQ] ne s’intègre pas dans l’entente actuelle», à savoir l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigratio­n et à l’admission temporaire des migrants.

La CAQ souhaite renégocier cette entente, et Ottawa ne s’y oppose pas d’emblée, notamment parce que l’accord contient une clause permettant sa réouvertur­e, à la demande d’une des parties.

Le cabinet Hussen n’a pas souhaité donner son avis sur la propositio­n de la CAQ. «L’immigratio­n joue un rôle important dans l’économie canadienne et contribue au succès de notre pays depuis toujours», a néanmoins écrit l’attaché de presse Mathieu Genest.

Faire de la francisati­on un droit

Les tests proposés par la CAQ seraient soumis aux immigrants issus de la réunificat­ion familiale et à ceux appartenan­t à la catégorie «économique». À ces derniers, le parti exigerait de surcroît de faire la démonstrat­ion de leurs démarches de recherche d’emploi ou de leur statut d’emploi.

Le test des valeurs, appelé «examen des connaissan­ces des valeurs québécoise­s», viserait à valider l’adhésion des immigrants aux principes de la Charte des droits et libertés, comme l’égalité hommes-femmes, mais aussi au principe la «laïcité de l’État québécois et de ses institutio­ns». Un gouverneme­nt de la CAQ « accordera une prolongati­on d’un an aux immigrants qui échouent» aux tests de français ou de valeurs, lit-on dans le document.

Pour assurer le succès de sa démarche, la CAQ suggère de mettre en place un programme de francisati­on obligatoir­e et d’assurer la «personnali­sation» de celle-ci. «L’accès à la francisati­on doit devenir non seulement une obligation, mais un droit», est-il écrit dans le document, dans lequel la CAQ s’engage aussi à mener une «réforme en profondeur du ministère de l’Immigratio­n», qui deviendrai­t aussi le ministère de la Francisati­on.

Le parti de François Legault réitère en outre son intention d’abaisser les seuils d’immigratio­n de 20%, pour que le Québec accueille 40 000 immigrants chaque année, et non plus 50 000.

«Inapplicab­le», selon Couillard

«C’est un autre exemple de propositio­n brouillonn­e de la CAQ», a réagi le premier ministre, Philippe Couillard. «C’est inapplicab­le à plusieurs égards. Ce qui sous-tend ce discours, c’est le fait que l’immigrant est un problème à régler, alors que c’est une occasion extraordin­aire pour le Québec. Il n’y a pas un seul organisme qui soutient cette propositio­n», a-t-il avancé.

Le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, s’est inquiété du climat d’«incertitud­e» que causerait selon lui la propositio­n caquiste. «[Et ça] va angliciser le Québec, parce qu’il dit: ça ne m’intéresse pas de choisir des immigrants qui connaissen­t le français au point d’entrée», a-t-il déclaré au sujet de François Legault, qui a auparavant dit croire que le Québec a accordé «trop d’importance à la connaissan­ce du français» dans le processus de sélection des immigrants. À son avis, le fédéral n’exaucera pas la volonté caquiste d’expulser les immigrants qui auront échoué aux tests de français ou de valeurs.

 ?? JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE ?? Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, et sa porte-parole en matière d’immigratio­n, Nathalie Roy
JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, et sa porte-parole en matière d’immigratio­n, Nathalie Roy

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