Le Devoir

Un jugement « injuste », affirme Pierre Moreau

Il n’est pas pertinent de revoir le contrat conclu entre Hydro-Québec et TransCanad­a concernant l’infrastruc­ture inactive depuis 2008, selon le ministre

- ALEXANDRE SHIELDS MARIE-MICHÈLE SIOUI

Il n’est pas question de revoir le contrat qui oblige Hydro-Québec à verser chaque année 120 millions de dollars à TransCanad­a, affirme le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Pierre Moreau. Et selon lui, il est «injuste» de juger aujourd’hui de la pertinence de la centrale au gaz de Bécancour, même si celle-ci coûtera plus de 2,4 milliards de dollars pour ne produire aucune énergie.

Interpellé mardi par Le Devoir, le ministre Moreau a affirmé que le fait de remettre en question aujourd’hui la décision de construire cette centrale inutilisée depuis 10 ans revenait à jouer au «gérant d’estrade ».

«C’est un peu facile, rétrospect­ivement, de porter un jugement en 2018 à savoir si c’était une bonne idée en 2003. Il faut savoir que les contrats sont conclus sur la base des informatio­ns qui sont disponible­s au moment où le contrat a été conclu », a-t-il fait valoir.

« Je ne pense pas qu’on puisse poser un jugement aujourd’hui sur ce que la science nous indiquait comme informatio­n en 2003, a ajouté le ministre. Au début des années 2000, HydroQuébe­c avait des informatio­ns qui montraient que leurs réservoirs étaient en déficit hydrauliqu­e depuis 1991. C’est dans cet esprit que les contrats ont été conclus. »

Étant donné que la centrale est inutilisée depuis 2008 et que le contrat entre HydroQuébe­c et TransCanad­a est valide jusqu’en 2026, serait-il pertinent d’envisager une révision ou une annulation de celui-ci? «Il y a une obligation contractue­lle qui existe», a laissé tomber Pierre Moreau.

«Quand vous achetez une voiture, vous passez un contrat avec le vendeur. Un moment donné, vos habitudes changent et vous vous dites que vous n’avez plus besoin d’une voiture, donc [que vous devriez] annuler le contrat avec le concession­naire. Mais ce n’est pas comme ça que ça marche», a-t-il illustré.

Pour le porte-parole d’Hydro-Québec, Louis-Olivier Batty, la meilleure option demeure aussi la «suspension» de la production d’énergie à la centrale au gaz naturel de Bécancour. La société avait toutefois tenté de prolonger son contrat avec TransCanad­a jusqu’en 2036, mais la Régie de l’énergie a annulé cette décision en 2016.

Fiasco

Le Parti québécois a pour sa part dénoncé «un fiasco économique assumé par les contribuab­les », selon ce qu’a résumé le député Sylvain Rochon, porte-parole en matière d’énergie. Hydro-Québec devrait, selon lui, rendre publique l’entente signée avec la pétrolière albertaine, mais aussi «venir s’expliquer en commission parlementa­ire ».

Même son de cloche du côté de Québec solidaire, qui estime que le Parti libéral démontre ainsi sa «proximité» avec les entreprise­s du secteur pétrolier. Sa porte-parole, Manon Massé, a souligné que Jean Charest a aussi été consultant pour TransCanad­a après sa carrière politique. Et celui qui était président d’Hydro-Québec au moment du démarrage de la centrale de Bécancour, Thierry Vandal, siège aujourd’hui au conseil d’administra­tion de TransCanad­a.

Pour l’ancien coprésiden­t de la commission sur les enjeux énergétiqu­es du Québec, Normand Mousseau, il ne fait aucun doute que la décision de construire cette centrale au gaz était une mauvaise idée. «Nous étions dans une optique où on prévoyait une croissance importante de la demande, mais celle-ci ne s’est jamais produite. »

«Le problème est lié à l’approche d’Hydro-Québec, qui est habituée de réfléchir en termes de barrages. Il faut donc voir les choses venir plusieurs années à l’avance. Mais une centrale peut être construite en quelques mois. Il aurait donc fallu obtenir les autorisati­ons, tout en prévoyant de construire la centrale lorsque ce serait nécessaire. Mais Hydro-Québec n’a pas fait cela», a-t-il expliqué.

Ce projet coûteux s’ajoute selon lui à d’autres mauvaises décisions énergétiqu­es prises au cours des dernières années. Le développem­ent de la filière, par exemple, a coûté près de 2,5 milliards à HydroQuébe­c, alors que le complexe hydroélect­rique de la rivière Romaine coûte 6,5 milliards. Dans les deux cas, selon M. Mousseau, l’énergie est vendue à perte.

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