Contre l’expansion du pipeline de Kinder Morgan
Devant l’annonce imminente par le gouvernement Trudeau d’un appui financier à l’expansion du pipeline Trans Mountain, il est urgent d’affirmer notre opposition à ce projet ainsi que notre solidarité avec les Premières Nations et toutes les autres communautés qui y résistent. Signataire de l’Accord de Paris, le Canada doit s’engager rapidement dans une transition juste et profonde qui réduira significativement notre dépendance aux hydrocarbures, nos émissions de gaz à effet de serre (GES), et créera une économie et des emplois plus écologiques. Cette transition requiert des ressources, une planification et un leadership qui doit venir de tous les gouvernements. C’est donc avec étonnement et déception que nous constatons l’entêtement du gouvernement fédéral à vouloir soutenir par tous les moyens dont il dispose le projet d’expansion du pipeline Trans Mountain promu par l’entreprise texane Kinder Morgan.
En permettant l’expansion à long terme de l’industrie des sables bitumineux, cet investissement significatif en transport de pétrole brut nous éloignerait de l’atteinte de nos objectifs de réduction de gaz à effet de serre. Selon les chiffres du gouvernement canadien, les émissions de GES liées au projet de Kinder Morgan seraient de l’ordre de 13,5 à 17 millions de tonnes de GES par année, seulement pour les émissions liées à la production supplémentaire de pétrole des sables bitumineux qu’entraînerait ce projet. Ce serait l’équivalent d’ajouter près de trois millions de véhicules sur les routes pendant des décennies. D’une durée de vie de l’ordre de 50 ans, ce pipeline va à l’encontre de l’effort de transition en enfermant l’avenir économique du Canada dans l’extraction d’hydrocarbures extrêmes. […]
Contrairement à ce que soutiennent M. Trudeau et ses ministres M. Carr et Mme McKenna, la croissance de l’industrie des sables bitumineux n’est d’aucune façon compatible ou conciliable avec une politique climatique crédible. À l’aide du projet d’expansion Trans Mountain et des deux autres projets également appuyés par le gouvernement Trudeau (Ligne 3 d’Enbridge et Keystone XL de TransCanada), l’industrie des sables bitumineux envisage une croissance qui permettrait de doubler le nombre de barils de pétrole sale qu’elle peut exporter par jour. Or, la croissance des émissions liées au secteur des sables bitumineux est déjà la principale raison pour laquelle le Canada n’est pas en voie de respecter ses engagements climatiques. Il importe de rappeler que les émissions de GES liées à la production de pétrole des sables bitumineux ont crû de 600% depuis 1990 et que le Canada produit presque deux fois plus de pétrole qu’il s’en consomme au pays. À l’heure où la science exige de laisser sous terre 80% des ressources connues en hydrocarbures, il est immoral et irresponsable de soutenir l’accroissement de l’extraction du pétrole le plus sale au monde. En investissant directement dans un projet de pipeline pour créer une rentabilité artificielle, le gouvernement briserait l’un de ses engagements les plus significatifs pour la lutte contre les changements climatiques, celui de cesser toute subvention à l’industrie pétrolière.
Le Canada doit respecter ses engagements climatiques par la mise en place d’une politique de transition juste, profonde et ambitieuse. La décarbonisation de notre économie est un processus concret qui doit reposer sur des mesures réelles. Elle dépend de choix cohérents à toutes les échelles de la société. Il est vrai que notre dépendance aux hydrocarbures est profonde et s’en défaire est un important défi à relever. Les investissements du gouvernement fédéral doivent par conséquent soutenir les efforts des acteurs économiques qui y contribuent et non pas ceux des acteurs qui en sont l’obstacle principal. Tout investissement se doit de soutenir la reconversion des secteurs de notre économie qui sont trop intenses en émissions, celui des hydrocarbures en priorité, et aider les travailleurs et les communautés à faire la transition vers des emplois et des activités plus écologiques — tout en s’assurant que les Premières Nations ne soient pas exclues de cette nouvelle économie comme elles l’ont souvent été jusqu’à maintenant.
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M. Trudeau a aussi promis de mettre en oeuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, laquelle prévoit que les Premières Nations doivent donner leur consentement libre, préalable et éclairé à des projets sur leurs territoires. De nombreuses Premières Nations en Colombie-Britannique s’opposent farouchement au projet Trans Mountain. Quelque 150 Premières Nations au Québec, au Canada et aux États-Unis ont d’ailleurs signé un traité d’alliance contre toute expansion des sables bitumineux et pour une transition énergétique juste.
Ce n’est pas en s’attaquant aux provinces et aux Premières Nations qui osent s’engager dans cette transition que ce gouvernement sera à la hauteur de ses engagements climatiques et de réconciliation.
C’est pourquoi il est important aujourd’hui de manifester notre solidarité envers les communautés, les villes, la province de la Colombie-Britannique et les Premières Nations qui luttent contre Trans Mountain. Notre opposition ferme à ce projet doit aussi se faire entendre à Ottawa, au Québec, dans le Mouvement Desjardins, à la Caisse de dépôt et placement du Québec ainsi que dans toutes les autres institutions et organisations qui peuvent poser des gestes qui changeront les choses.
Tous ensemble, nous avons contribué à l’abandon du projet de pipeline Énergie Est. Ensemble, nous devons nous assurer que le pétrole sale des sables bitumineux ne trouve pas une nouvelle voie qui contaminerait la côte ouest et bouleverserait notre climat planétaire. Ensemble, nous devons réellement et rapidement nous engager dans une transition juste, profonde et durable qui respecte les droits des Premières Nations, soit tout le contraire de ce que proposent Kinder Morgan et le gouvernement Trudeau.
Ce texte est signé et appuyé par de nombreuses personnalités, dont on trouvera la liste sur nos plateformes numériques.