PKP dénonce l’inertie des gouvernements face à l’évitement fiscal dans le numérique
Pierre Karl Péladeau accuse les gouvernements de ne pas «assumer leurs responsabilités» face aux «ravages» infligés par les entreprises numériques étrangères qui contournent sans vergogne les règles fiscales et «parasitent» les entreprises qui investissent, embauchent et payent des impôts au pays.
L’Association des économistes québécois (ASDEQ) avait prévu mardi un atelier sur l’économie numérique et la fiscalité pour la deuxième et dernière journée de son congrès annuel qui se tenait à Montréal. Si les conférenciers étaient loin de s’entendre sur les solutions à apporter au problème de la concurrence déloyale exercée notamment par les géants étrangers de l’industrie numérique, tous ont cependant convenu de blâmer les gouvernements pour leur inertie coupable.
Le président et chef de la direction de Québecor, Pierre Karl Péladeau, était l’un d’eux. «Pourquoi les gouvernements n’assument-ils pas leur responsabilité d’assurer un environnement équitable pour l’ensemble des entreprises?» a-t-il demandé. Déplorant les «ravages» infligés par les compagnies étrangères qui échappent souvent aux taxes et impôts dont les autres entreprises doivent s’acquitter, il a rappelé que « ce n’est certainement pas Amazon qui va financer notre système d’éducation, ni Apple notre système hospitalier». Dans le domaine de l’information, le propriétaire de médias a trouvé «assez hallucinant» de voir que le gouvernement fédéral va jusqu’à acheter une partie de sa propre publicité à des plateformes numériques comme Facebook et Google. « Ils n’ont aucune salle de rédaction, ces gens-là. Ils parasitent ceux et celles qui investissent, créent des emplois et payent des impôts. »
Selon le spécialiste de commerce de détail de HEC Montréal Jacques Nantel, «il y a plein de gens à Québec et à Ottawa qui ne comprennent pas ce qui se passe ». Comment une chaîne québécoise de magasins de vêtements comme Simons peut-elle se défendre à armes égales lorsqu’elle est la seule à devoir payer des taxes à la consommation de 15 %, des tarifs douaniers de 18 % en plus de l’impôt des entreprises et de charges sociales généralement plus élevés qu’à l’étranger ? demande-t-il.
La professeure de fiscalité de l’Université de Sherbrooke Marwah Rizqy en veut particulièrement au gouvernement fédéral, qui se traîne les pieds dans le dossier depuis des années, selon elle. «En ne faisant rien, on dit aux entreprises: allez voir vos fiscalistes et faites comme les autres», c’est-à-dire vendez au Canada depuis l’étranger et n’hésitez pas, au besoin, à recourir aux paradis fiscaux, a-t-elle déploré.
Plus ou moins de taxes?
Selon la fiscaliste, Ottawa pourrait, s’il le demande, obtenir des géants du Web l’engagement qu’ils perçoivent les taxes et tarifs applicables au Canada et exiger que les compagnies de cartes de crédit le fassent à la place des compagnies qui seraient récalcitrantes. Elle voudrait aussi que Facebook et Google versent des redevances aux médias qui produisent l’information qu’elles s’approprient.
Jacques Nantel estime, quant à lui, qu’il faut se rendre à l’évidence qu’il est impossible de contrôler efficacement la multitude de colis qui traversent les frontières et qu’à défaut de pouvoir imposer les taxes à la consommation aux vendeurs étrangers, tout le monde devrait en être exempté. «Plusieurs pays étrangers, et même des provinces canadiennes, parviennent à fonctionner sans de pareilles taxes.»
Pierre Karl Péladeau ne sait pas trop quoi penser d’une redevance qui serait versée aux producteurs de contenus d’information, mais il répète que « la taxation est essentielle pour le financement de nos services».
À Montréal pour une conférence ministérielle, le secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Angel Gurría, a constaté lundi que les gouvernements sont de plus en plus pressés d’agir sur ces questions par leurs populations et que cela forcera notamment l’accélération d’une réforme en cours des règles fiscales internationales.