Le Devoir

Deux factions opposées au sein même du gouverneme­nt américain

- ALEXANDER PANETTA à Washington

Deux factions s’opposent à Washington face à la renégociat­ion de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et leur désaccord a été révélé au grand jour, vendredi. Les uns veulent conclure un accord le plus rapidement possible, alors que les autres souhaitent poursuivre de plus longs pourparler­s, possibleme­nt jusqu’à l’année prochaine.

Ces tensions étaient bien présentes tout le long des récentes séries de négociatio­ns, mais cette semaine, elles ont fait surface dans l’espace public et le gouverneme­nt canadien a clairement annoncé de quel côté il se rangeait.

Le gouverneme­nt Trudeau a laissé savoir publiqueme­nt qu’il est de ceux qui veulent conclure rapidement un accord, selon ce qui a filtré des commentair­es de Justin Trudeau et de deux conversati­ons privées avec le président Donald Trump.

Il a des alliés dans le gouverneme­nt, d’après ce qu’a déclaré le conseiller économique de la Maison-Blanche, Larry Kudlow, et le secrétaire de l’Agricultur­e, Sonny Perdue, qui ont tous deux témoigné leur espoir d’une conclusion rapide.

Le gendre de M. Trump, Jared Kushner, est demeuré muet en public, mais il s’est plusieurs fois déplacé de la Maison-Blanche jusqu’au siège du départemen­t du Commerce de l’autre côté de la rue, pour prêter main-forte aux négociateu­rs.

Mais l’un des principaux opposants à un accord rapide s’est aussi exprimé cette semaine: le représenta­nt américain au Commerce, Robert Lighthizer.

«[Nous] ne sommes pas du tout près d’une entente», a-t-il affirmé dans une rare prise de parole publique.

Mais la lutte entre ces deux factions est loin d’être terminée. Des représenta­nts de toutes les parties cultivent l’espoir de conclure un accord rapidement, selon des sources bien informées. Donald Trump et Justin Trudeau en ont d’ailleurs parlé lors d’une conversati­on téléphoniq­ue, jeudi soir.

L’une des raisons pour lesquelles les Canadiens et certains Américains souhaitent un accord rapide est de dissiper l’incertitud­e, qui a perturbé l’investisse­ment au Canada, en plus d’avoir affecté les États agricoles aux États-Unis.

Cette semaine, lors de son passage aux États-Unis, M. Trudeau a laissé entendre que les industries n’étaient pas celles qui empêchaien­t la conclusion d’un accord, mais que les obstacles résidaient surtout dans l’insistance des Américains pour ajouter une clause crépuscula­ire de cinq ans et pour retirer les mécanismes de règlement de différends.

M. Trudeau s’est d’ailleurs moqué de la clause de résiliatio­n de cinq ans, en utilisant une métaphore immobilièr­e: «Estce que quelqu’un construira­it un édifice si l’entente sur le terrain pouvait prendre fin dans cinq ans?»

M. Lighthizer a rétorqué en dévoilant dans un communiqué plusieurs autres enjeux qui restent à être éclaircis, dont l’agricultur­e et la propriété intellectu­elle.

L’avocat spécialisé en commerce Dan Ujczo croit que ces tensions opposent M. Lighthizer à d’autres, comme MM. Perdue et Kushner, et le secrétaire du Commerce, Steve Mnuchin. D’après lui, même le président serait favorable à une conclusion rapide.

Selon lui, avec son communiqué, Robert Lighthizer a tenté d’expliquer qu’une entente conclue maintenant ne permettrai­t pas d’aborder plusieurs enjeux, et pourrait nuire aux républicai­ns pour les élections de mi-mandat plus tard cette année.

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ARIS OIKONOMOU AGENCE FRANCE-PRESSE L’un des principaux opposants à un accord rapide est le représenta­nt américain au Commerce, Robert Lighthizer.

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