Le Devoir

Dimanche sous pression dans les rues de Berlin

L’Alternativ­e pour l’Allemagne tenait une manifestat­ion contre Merkel et l’islam, dimanche, dans la capitale

- ISABELLE LE PAGE à Berlin

Une manifestat­ion organisée par le parti d’extrême droite Alternativ­e pour l’Allemagne a attiré environ 5000 manifestan­ts anti-islam et pro-patrie dans les rues de la capitale allemande, dimanche, alors que près de 25 000 personnes issues de différents horizons (syndicats, groupes communauta­ires, partis et même... boîtes de nuit!) se sont donné rendez-vous pour leur répliquer. Les partisans du parti d’extrême droite ont déambulé avec des drapeaux et en scandant des slogans demandant la protection du pays.

L’extrême droite d’un côté, ses détracteur­s de l’autre. Berlin a connu un dimanche sous tension, des milliers de manifestan­ts des deux camps s’étant mobilisés pour un faceà-face, sous l’oeil de la police, présente en nombre pour prévenir des heurts.

Tout l’après-midi, en plein centre-ville, plus de 5000 manifestan­ts de l’Alternativ­e pour l’Allemagne (AfD) ont marché, drapeaux allemands à la main, face aux quelque 25 000 personnes réunies pour de bruyantes contre-manifestat­ions, selon les estimation­s de la police.

Défilant de la gare principale jusqu’à la porte de Brandebour­g, les manifestan­ts d’extrême droite ont repris en coeur des slogans hostiles à l’islam et à la chancelièr­e Angela Merkel en raison de sa décision en 2015 d’accueillir des centaines de milliers de demandeurs d’asile.

Vers 16h (heure locale), ils se sont dispersés dans le calme, encadrés de près par les policiers qui craignaien­t des heurts, des groupes se disant «antifascis­tes» ayant promis « sabotage » et « chaos ».

Seuls de rares incidents ont finalement été dénombrés, les forces de l’ordre, qui avaient sur le terrain 2000 hommes, ayant indiqué avoir dû faire usage de gaz irritant à une reprise pour repousser des contre-manifestan­ts.

Une poubelle incendiée a blessé une personne, ont-elles encore indiqué, sans apporter de précisions sur les blessures.

La technologi­e en renfort

Les protestata­ires anti-AfD, en surnombre, ont tenté tout l’après-midi de gêner la manifestat­ion d’extrême droite à l’appel de syndicats, de partis, d’associatio­ns et même de boîtes de nuit. Ils ont pu ainsi détourner un temps le cortège de son itinéraire original en bloquant un pont.

«La propagande nazie n’est pas un droit» ou «tout Berlin est contre l’AfD», scandaient­ils, invectivan­t aussi par moments leurs adversaire­s.

Des navires anti-AfD, décorés de banderoles et de ballons, se sont aussi joints au rassemblem­ent, alors que des clubs berlinois avaient déployé des haut-parleurs pour tenter de noyer slogans et discours de l’Alternativ­e pour l’Allemagne.

Si les basses étaient bien audibles, les orateurs ont pu aussi se faire entendre.

Fronde contre l’islam

«Nous aimons notre pays, nous voulons le transmettr­e à nos enfants comme nos grands-pères l’ont fait pour nous», a dit à la fin de la manifestat­ion, au pied de la porte de Brandebour­g, le coprésiden­t de l’AfD Alexander Gauland, dont le discours a été brièvement interrompu par un contre-manifestan­t.

Plus tôt, à la gare centrale de Berlin, point de départ de la manifestat­ion, Beatrix von Storch, une figure du parti et petite-fille d’un ministre d’Adolf Hitler, avait insisté sur le thème phare de son parti: la dénonciati­on de l’islam.

«Ce qui est en jeu, c’est la liberté face à l’islamisati­on», a-t-elle lancé, alors que son parti a fait un tabac aux législativ­es de septembre 2017 (environ 13%) en surfant sur les craintes nées de l’arrivée massive de demandeurs d’asile.

Christine Moessl, une enseignant­e de 41 ans, abonde dans ce sens. «Merkel a provoqué le chaos. Nous savons maintenant que des [islamistes] dangereux se cachent parmi les réfugiés», a-t-elle martelé.

Bruyant à la chambre des députés, le parti voulait mobiliser la rue contre la chancelièr­e Angela Merkel, sa bête noire.

Mais après avoir annoncé 10 000 participan­ts à la police, la direction du parti a revu ses ambitions cette semaine, disant compter sur 2500 à 5000 manifestan­ts.

Leurs opposants de tous bords s’agitaient quant à eux depuis des jours sur les réseaux sociaux pour ne pas «laisser la rue aux sympathisa­nts de l’AfD», alors que la popularité gagnée par ce parti choque dans un pays dont l’identité est fondée en partie sur la repentance face au nazisme.

« L’AfD n’essaie pas de résoudre les problèmes, mais divise la société», estime Knut Haemmerlin­g, 48 ans.

« Cela fait peur d’imaginer ce qui se passerait si le parti devenait plus grand», souffle de son côté Yesra Zubaidi, 76 ans, née en Syrie et vivant depuis longtemps en Allemagne.

Fondée en 2013, l’AfD est devenue la troisième force politique d’Allemagne en se nourrissan­t des craintes liées à l’arrivée de plus d’un million de migrants.

La formation, avec plus de 90 députés, est devenue le premier parti d’opposition du fait de l’alliance gouverneme­ntale conclue dans la douleur entre les conservate­urs d’Angela Merkel et les sociaux-démocrates.

Et l’AfD continue de progresser dans les sondages, talonnant le SPD.

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ODD ANDERSEN AGENCE FRANCE-PRESSE
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ODD ANDERSEN AGENCE FRANCE-PRESSE Les contre-manifestan­ts étaient près de cinq fois plus nombreux que les partisans de l’extrême droite, selon les estimation­s.

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