Christopher Wylie ne croit pas la réfutation d’Aggregate IQ
La solution au ciblage politique en ligne sera mondiale, croit le lanceur d’alerte
Lors de son passage mardi devant le comité d’éthique de la Chambre des communes, le lanceur d’alerte dans l’affaire Facebook et Cambridge Analytica, Christopher Wylie, s’est dit «étonné et très déçu» du récent témoignage de la firme canadienne AggregateIQ (AIQ), qui a récemment réfuté son rôle dans le scandale de violation de la vie privée de millions d’internautes.
Au fil des révélations des dernières semaines et aux dires de M. Wylie, il apparaissait que AIQ, basée à Victoria en Colombie-Britannique, avait des liens étroits avec la société mère de Cambridge Analytica, SCL. Ce qu’ont nié le mois dernier devant le même comité d’éthique à Ottawa deux des dirigeants de l’entreprise, Jeff Sylvester et Zach Massingham.
« Je ne sais pas comment on peut faire du ciblage si on n’a pas accès à la base de données, a ironisé Christopher Wylie mardi en vidéoconférence à partir de Londres. Je suis étonné et très déçu que Jeff Sylvester et Zach Massingham aient tenté de cacher ce qui est arrivé. Il faudra leur demander pourquoi ils ont décidé d’aller en ce sens, à mon avis ce n’est tout simplement pas vrai. »
Christopher Wylie, en veston cravate avec les cheveux toujours teints en rose, a trouvé «très drôle» que AIQ affirme n’utiliser que les données de Facebook, alors que ce pourrait être un travail «de stagiaire».
Rappelons que la firme Cambridge Analytica, qui a récemment déclaré faillite, a usurpé les données d’environ 87 millions d’utilisateurs Facebook, dont quelque 622 000 au Canada.
En plus d’avoir travaillé avec l’équipe de Donald Trump pour la présidentielle de 2016, l’entreprise britannique a entre autres fourni une stratégie à des groupes en faveur du Brexit pour mieux cibler des militants potentiels grâce aux données personnelles fournies par Facebook.
Le canari dans la mine
Christopher Wylie a témoigné pendant environ trois heures mardi devant le comité d’éthique de la Chambre des communes, répondant aux multiples questions des onze membres libéraux et conservateurs.
À savoir si d’autres cas similaires pourraient être découverts, M. Wylie a affirmé que le cas de Cambridge Analytica «est le canari dans la mine, ce n’est que le début et pas la fin de l’histoire. Ce qu’on a exposé, c’est la facilité avec laquelle on peut s’approprier de l’information ».
Selon lui, il faut en priorité s’intéresser à la sécurité virtuelle dans les contextes électoraux. Les réseaux sociaux peuvent être une belle façon de communiquer, estime-t-il, « mais un acteur mal intentionné pourrait y voir un champ de bataille et y faire de la manipulation. Il faut qu’il y ait transparence des plateformes ».
Solution mondiale
Christopher Wylie a souligné au comité fédéral qu’il avait réalisé au fil de ses passages devant les politiciens de différents pays à quel point toutes les questions étaient les mêmes. Il a aussi souligné le fait que plusieurs des cas de ciblage politique provenaient d’entités extérieures au pays visé.
La solution, croit-il, ne sera donc pas locale, mais mondiale. «Pour commencer, il faudrait que divers organes de réglementation et des législateurs se réunissent pour examiner Internet, qui est maintenant mondial, et pour s’interroger sur leur démocratie, à quel point elle est intacte, et quelles sont les questions communes de tous les pays pour travailler à une solution commune. Il faudrait certainement pour cela une approche multinationale, surtout quand on voit comment Mark Zuckerberg [le patron de Facebook] refuse de discuter avec la plupart des pays.»
Mais il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Aux yeux de Christopher Wylie, l’utilisation de données peut avoir un rôle positif dans un contexte où la participation électorale tend à décliner. «Les médias ont aussi beaucoup changé. Le rôle des partis politiques est de s’adapter à ce nouveau milieu […] Le numérique doit trouver sa place, s’il n’y a pas ça dans une société de plus en plus numérisée, on va se limiter à [rejoindre] des gens qui ne sont pas en ligne.»
Selon l’homme de 29 ans, la communication en ligne peut être vue comme un couteau: à la fois une arme et un outil. «Et il faut établir des règles pour l’utiliser et créer des limites.»
Pas de rôle au PLC
Le député conservateur Peter Kent a par ailleurs questionné à quelques reprises Christopher Wylie sur son rôle passé avec le Parti libéral du Canada (PLC), avec lequel il a eu des liens au début de l’année 2016 alors que sa firme appelée Eunoia Technologies a effectué «un travail préliminaire» au coût de 100 000 $.
«Le mot préliminaire convient tout à fait. C’était un nouveau gouvernement, le bureau de recherche s’organisait, il voulait de l’aide avec le recrutement, les activités, la collecte de renseignements pour informer le caucus lorsqu’il discutait de l’enjeu A ou de l’enjeu B», a précisé M. Wylie en ajoutant que son travail n’était pas «de nature électorale».
La dernière partie du témoignage de Christopher Wylie s’est par ailleurs déroulée à huis clos.
Il apparaissait que AIQ, basée à Victoria en Colombie-Britannique, avait des liens étroits avec la société mère de Cambridge Analytica, SCL