L’horreur sur un plateau
Fable suffocante et perverse sur l’origine du mal et les faiblesses de l’homme, Little Heaven, dernier roman de Nick Cutter, pseudonyme de l’auteur canadien Craig Davidson (De rouille et d’os), réunit en quelque 600 pages toute l’efficacité et la simplicité des codes classiques du roman d’horreur: créatures terrifiantes, lourde noirceur, endroits clos, tout y passe.
Micah Shughrue, Minerva Atwater et Ebenezer Elkins sont des chasseurs de primes aux dons et aux motifs distincts, dont l’absence de scrupule n’est pas sans rappeler les antihéros de Quentin Tarantino. En 1966, une femme les approche afin de retrouver un enfant enlevé par une secte obscure reléguée aux confins du Nouveau-Mexique.
Alléchés par l’apparente simplicité du mandat, les trois protagonistes se trouvent bientôt prisonniers de ce refuge de Little Heaven en compagnie du sordide révérend Amos et de ses fidèles, encerclés d’indicibles menaces.
Volontairement inspiré de l’oeuvre It de Stephen King, le roman relate les tentatives du trio de se débarrasser du mal qui ronge les bois; leur premier succès sera, comme on peut s’y attendre, de courte durée.
Quinze ans après les événements, la fille de Micah est enlevée, forçant les trois acolytes à revisiter leurs démons. Ce saut dans le temps permet à l’auteur de maintenir le suspense et de révéler goutte à goutte, dans un processus tendu qui s’avère parfois interminable, les tenants et aboutissants de l’intrigue.
Avec un plaisir manifeste, Cutter se vautre dans de riches descriptions à glacer le sang — monstres terrifiants, scènes de combats gorgées de sang, frustration sexuelle, lente glissade vers la folie —, insérant même ici et là les éléments de vengeance, de justice et de rejet de la religion propres au western.
Little Heaven demeure sans contredit une preuve supplémentaire du talent prometteur et de l’imagination disjonctée de Nick Cutter et plaira assurément aux amateurs d’épouvante.