Le Devoir

Le président de BAnQ a « failli à la tâche »

La ministre de la Culture dénonce le travail du président démissionn­aire du conseil d’administra­tion

- MARCO FORTIER

Le président démissionn­aire du conseil de Bibliothèq­ue et Archives nationales du Québec (BAnQ) a «failli à la tâche», affirme la ministre de la Culture, Marie Montpetit. Elle dit avoir nommé un nouveau président et directeur général sans l’aval du conseil d’administra­tion (CA) parce que ce poste était vacant depuis plus d’un an.

«Le président du conseil d’administra­tion a vraiment failli à la tâche. Il a vraiment échoué dans le mandat qu’il avait de trouver quelqu’un [pour diriger BAnQ]», a déclaré la ministre Montpetit au Devoir, dimanche midi.

Elle réagissait pour la première fois à la démission du président du conseil de BAnQ, Martin Carrier. Celui-ci a quitté son poste la semaine dernière pour dénoncer la nomination par le gouverneme­nt du nouveau président-directeur général, Jean-Louis Roy, à l’insu du conseil d’administra­tion.

Il s’agit d’un poste névralgiqu­e pour le milieu de la culture et du patrimoine au Québec. BAnQ exploite la Grande Bibliothèq­ue de Montréal et une douzaine de centres d’archives partout au Québec. L’organisme a aussi le mandat de faire revivre la bibliothèq­ue Saint-Sulpice, établie dans un édifice patrimonia­l à Montréal.

La ministre de la Culture affirme qu’elle avait le devoir de pourvoir elle-même le poste de président-directeur général après plus d’une année de tentatives infructueu­ses de la part du CA. La nomination de M. Roy a été annoncée le 16 mai dernier. Le poste était vacant depuis le mois d’avril 2017.

«On a eu de nombreux échanges avec

M. Carrier. On l’avait averti à plusieurs reprises qu’à défaut de nous soumettre une candidatur­e dans des délais raisonnabl­es, on aurait la responsabi­lité de nommer quelqu’un», dit Mme Montpetit.

«J’ai donné toute la latitude possible au conseil d’administra­tion pendant plus d’un an. J’ai pris cette décision-là [de faire une nomination] en tout respect de la loi », ajoute-t-elle.

Freiner l’élan

Jean-Louis Roy, âgé de 77 ans, a une longue feuille de route. Il a notamment été directeur du Devoir, délégué général du Québec à Paris et secrétaire général de l’Agence intergouve­rnementale de la francophon­ie.

Le président démissionn­aire de BAnQ insiste: il n’a rien contre M. Roy, mais il déplore que la ministre l’ait nommé sans l’aval du conseil d’administra­tion. Le CA a été mis devant le fait accompli.

M. Carrier, grand patron de la firme de jeux vidéo Frima Studio, estime que la gouvernanc­e de BAnQ avait un élan depuis son arrivée en 2016 avec le renouvelle­ment en profondeur du CA et la séparation des postes de et de président du conseil. Ce spécialist­e du numérique devait faire prendre un virage à BAnQ.

«Je trouvais important de respecter cet élan», a indiqué le président dé- missionnai­re au Devoir, dimanche.

Martin Carrier explique que le

CA, appuyé par la firme de recrutemen­t Raymond Chabot Ressources Humaines inc., a fait plusieurs propositio­ns de candidatur­es au ministère de la Culture. Aucune n’a été retenue.

«Je ne pars pas fâché. Si la ministre veut me faire porter le blâme, c’est son choix, mais je suis très serein. Il y a eu une belle collaborat­ion avec le ministère», dit M. Carrier.

La ministre Montpetit croit que le CA ou la firme de recrutemen­t ont peut-être sous-estimé la définition de tâches du poste. Elle affirme avoir rencontré deux candidats qui se sont désistés devant l’ampleur du mandat.

Compressio­ns budgétaire­s

Joints par Le Devoir, des membres du conseil d’administra­tion de BAnQ ont défendu leur travail et celui de Martin Carrier. «Je ne vois pas comment le CA aurait pu faire autrement et mieux», dit Yvan Lamonde, professeur émérite au Départemen­t de langue et littératur­e françaises à l’Université McGill. Son mandat au CA de BAnQ a pris fin le 6 avril.

«Si Mme Montpetit a le culot d’affirmer publiqueme­nt que le président et le CA ont mal fait leur travail, elle va se faire parler. Elle doit s’interroger sur les causes du refus des candidatur­es qui ont été soumises. Est-ce que les conditions de travail offertes par le gouverneme­nt étaient adéquates ? », ajoute-t-il.

Il a été impossible de connaître la rémunérati­on et les avantages sociaux qui étaient offerts aux aspirants P.-D.G. de BAnQ en fin de journée dimanche. Les membres du CA interrogés par Le Devoir ont dit ignorer cette donnée. Le bureau de la ministre Montpetit n’était pas en mesure de répondre à notre question.

Gaston Bellemare, président du Festival internatio­nal de la poésie de Trois-Rivières et membre du CA de BAnQ, s’interroge lui aussi sur les conditions offertes aux candidats au poste de président-directeur général. «Le problème de BAnQ n’est pas à BAnQ», dit-il, joint à Buenos Aires, en Argentine, où il se trouve en mission.

«J’ai dit à Martin Carrier [président démissionn­aire du CA] : “Mets tout mon respect dans tes bagages en partant.” Il a fait la job qu’il devait faire. Le gouverneme­nt nous a imposé des compressio­ns budgétaire­s, comme à tous les organismes publics, au cours des dernières années. Des postes ont été éliminés. On fait ce qu’on peut avec le budget qu’on a. »

Selon ce qu’a rapporté Le Devoir, 51 postes permanents et 11 postes occasionne­ls ont été abolis entre les années 2015 et 2017 à cause de compressio­ns budgétaire­s.

Est-ce que les conditions de travail offertes par le gouverneme­nt étaient adéquates ?

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