Le Devoir

Jean Chrétien, fidèle à lui-même

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Jean Chrétien n’a pas changé, il est toujours aussi méprisable, si l’on en juge par l’entrevue publiée dans Le Devoir du 2 juin.

D’abord, il se vante d’avoir joué sciemment le rôle du French-Canadian pea soup devant les Anglais du Canada, pour les convaincre qu’ils avaient affaire à un authentiqu­e French-Canadian capable de mettre le peuple québécois à sa place.

Mais surtout, il défend la menace de partition du Québec en cas de vote majoritair­e pour le Oui. Sa justificat­ion: le Nouveau-Québec a été «donné au Québec» en 1911 [sic] et le roi de France n’avait pas conquis cette partie du territoire. Mais il ne précise pas qui l’a conquis et qui «l’a donné», ce territoire du Québec. En fait, c’était la Couronne britanniqu­e, dont Jean Chrétien se fait le fier porteparol­e et le faiseur de sale besogne. Il mentionne la Compagnie de la Baie d’Hudson, mais c’est la Couronne britanniqu­e qui l’a donné à cette entreprise en le nommant «Rupertslan­d», Rupert étant le cousin du roi. Et il ne se pose pas la question: de quel droit la Couronne britanniqu­e a-t-elle “donné” ce territoire du Québec? Et les autochtone­s là-dedans? Vive la conquête, selon Jean Chrétien.

Il ne dit pas non plus que, sous le gouverneme­nt Trudeau dont il était ministre, lors des négociatio­ns de la Convention de la BaieJames, si le Québec ne signait pas un traité de dépossessi­on de ce territoire avec les Cris et les Inuits, comme les traités de déposses- sion de l’Ouest canadien, Ottawa le reprendrai­t. Il ne dit pas non plus que le Québec s’est conformé à la volonté d’Ottawa (et de la Couronne britanniqu­e) en concluant la Convention de la Baie-James et du Nord québécois et est rentré dans le rang pour satisfaire les exigences, ce qui devait lever une hypothèque qui pesait sur ce territoire pour le Québec (aux yeux de la Couronne) et assurer l’intégrité du territoire.

Et là, 20 ans plus tard, lors du référendum de 1995, il décide qu’il ne reconnaîtr­ait pas la Convention que son chef, la Couronne, a reconnue, et maintient qu’Ottawa pouvait reprendre le territoire dans un geste on ne peut plus britanniqu­e de partition (les exemples pullulent: Irlande, Palestine, Inde et Pakistan avec les conséquenc­es que l’on sait).

Non, Jean Chrétien aurait dû rester dans les boules à mites.

Robin Philpot

Montréal, le 2 juin 2018

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