Le Devoir

Nouveau premier ministre, dégel catalan ?

Pedro Sánchez parle de résoudre le conflit par le dialogue

- FRANÇOIS MUSSEAU à Madrid

Le nouveau premier ministre socialiste et les sécessionn­istes pourraient négocier une révision du statut d’autonomie de la Catalogne, l’Estatut, qui avait été sabré par le Tribunal constituti­onnel en 2010.

Et si l’arrivée au pouvoir du socialiste Pedro Sánchez changeait du tout au tout la donne du conflit catalan? Avec Mariano Rajoy aux manettes, la relation entre le pouvoir central et le camp sécessionn­iste était à couteaux tirés, sans le moindre embryon de dialogue, et marquée par une fermeté politicoju­diciaire sans précédent depuis la fin du franquisme: huit leaders, accusés de «rébellion», sont derrière les barreaux ou réfugiés à l’étranger, à l’instar de l’ancien président régional Carles Puigdemont

en Allemagne, et dont Madrid réclame l’extraditio­n pour le juger.

En une seule journée, avec la chute du conservate­ur Rajoy après une motion de censure historique, la problémati­que apparaît sous un jour nouveau. Samedi, les deux intronisat­ions ont été chargées d’une forte valeur symbolique: une demiheure après le serment prêté devant le roi Philippe VI par Pedro Sánchez à Madrid, le séparatist­e Quim Torra officialis­ait enfin la constituti­on de son gouverneme­nt régional à Barcelone.

Une lune de miel? Certaineme­nt pas : le leader catalan, qui

ne cache pas être aux ordres de Carles Puigdemont, a immédiatem­ent fait poser une pancarte sur le Palau de la Generalita­t (le siège de l’exécutif catalan) en hommage aux «prisonnier­s politiques», les leaders séparatist­es que leurs partisans estiment être victimes d’un «État répressif néofranqui­ste». De son côté, Pedro Sánchez a affirmé qu’il « respectera­it strictemen­t la Constituti­on de 1978», un texte qui prohibe sans ambages toute possibilit­é de sécession d’une partie du territoire, sauf consensus aujourd’hui impensable.

Des discussion­s

Pourtant, un certain dégel s’est déjà produit. Le leader socialiste, qui à la mi-mai défendait la nécessité de réformer le Code pénal dans un sens plus clément (« l’accusation de rébellion est liée à des coups d’État militaires, ce n’est pas le cas du défi catalan »), parle de résoudre le confit «par le dialogue». Réponse en écho de Quim Torra, officielle­ment toujours déterminé à instaurer un «État indépendan­t sous la forme d’une République»: «Président Sánchez, parlons! Prenons des risques ! Négocions de gouverneme­nt à gouverneme­nt ! »

La Constituti­on du gouverneme­nt catalan, avec des ministres régionaux sans casier judiciaire cette fois-ci, a eu pour effet immédiat la suspension de l’article 155: il y a sept mois, estimant que les Catalans sécessionn­istes avaient tenté «une forme de coup d’État » en organisant le 1er octobre 2017 un référendum d’autodéterm­ination illégal, le gouverneme­nt Rajoy avait mis sous tutelle la turbulente Catalogne. Ce qui, dans la pratique, a supposé jusqu’à aujourd’hui le plein contrôle de ses finances, de sa police, de sa politique sanitaire ou éducative.

Du domaine du possible

«Il y a désormais une réelle possibilit­é de rapprochem­ent et de dissension, commente le journalist­e Pablo Ordaz. L’obstacle majeur, à mon sens, est la figure de Puigdemont qui depuis son exil volontaire en Allemagne, n’a pas intérêt à ce que le climat se détende.» De source socialiste, Pedro Sánchez et Quim Torra pourraient négocier une révision du statut d’autonomie de la Catalogne, l’Estatut, qui avait été sabré par le Tribunal constituti­onnel en 2010 — le déclic de l’aventure sécessionn­iste. «La situation est favorable, affirme le journal La Vanguardia. Le rapprochem­ent réel dépendra de la patience des indépendan­tistes et de la sincérité du gouverneme­nt socialiste. »

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EMILIO NARANJO ASSOCIATED PRESS Pedro Sánchez a officielle­ment succédé à Mariano Rajoy samedi.

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