Le Devoir

Vent de réformes en Éthiopie

Addis-Abeba tend la main à son voisin devenu ennemi juré, l’Érythrée, et ouvre son économie au secteur privé

- CHRIS STEIN à Addis-Abeba

Le régime éthiopien, dirigé par le nouveau premier ministre Abiy Ahmed, a fait souffler mardi un vent de réformes sur le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique en annonçant la fin de son différend frontalier avec l’Érythrée et l’ouverture au privé du capital de grandes entreprise­s publiques.

Ces deux annonces-surprises représente­nt des changement­s de politique majeurs imprimés par M. Abiy, désigné en avril à la suite de la démission en février de son prédécesse­ur, Hailemaria­m Desalegn, emporté par une crise politique sans précédent depuis l’accession au pouvoir du régime actuel en 1991.

C’est par communiqué, publié sur son compte Facebook, que la coalition au pouvoir, l’EPRDF, a renversé la table.

Sur le front diplomatiq­ue, le régime a annoncé sa volonté «sans hésitation» de mettre un terme à son litige frontalier avec son voisin devenu ennemi juré, l’Érythrée.

Le gouverneme­nt éthiopien a décidé de mettre en oeuvre pleinement l’accord d’Alger, signé en 2000 pour mettre fin au conflit entre les deux pays.

Dans son discours d’investitur­e début avril, le premier ministre Abiy avait promis de travailler à restaurer la paix avec l’Érythrée. Reste à présent à savoir si l’Érythrée acceptera cette main tendue.

Un peu plus tôt dans la journée, le Parlement éthiopien avait voté la levée de l’état d’urgence décrété par le gouverneme­nt au lendemain de la démission de l’ancien premier ministre en février, une nouvelle mesure d’ouverture après la restaurati­on de l’Internet sur l’ensemble du territoire et la libération récente de prisonnier­s politiques.

Une guerre, 80 000 morts

L’Érythrée a accédé à l’indépendan­ce en 1993, faisant perdre à l’Éthiopie son unique façade maritime sur la mer Rouge.

Entre 1998 et 2000, les deux voisins se sont livré une guerre fratricide qui a fait au moins 80 000 morts, notamment en raison de divergence­s sur la démarcatio­n de leur frontière.

Un accord de paix avait été signé fin 2000 à Alger, puis une commission d’arbitrage soutenue par l’ONU avait tranché sur le tracé de la frontière, attribuant notamment la localité de Badme, point de contentieu­x, à l’Érythrée. Mais l’Éthiopie a continué jusqu’à présent d’occuper Badme.

Depuis, les deux pays maintienne­nt de nombreuses forces de long de leur frontière de 1000km de long et des affronteme­nts périodique­s ont laissé craindre une reprise d’un conflit à grande échelle, notamment en 2016.

Ouverture au privé

Outre cette annonce majeure, le régime éthiopien a également pris des mesures susceptibl­es de changer la face de l’économie du pays, en ouvrant notamment au secteur privé le capital des plus grandes entreprise­s publiques, dont la compagnie aérienne Ethiopian Airlines, tout en gardant la majorité de contrôle.

Ethiopian Airlines est une des plus importante­s compagnies aériennes sur le continent africain et Addis-Abeba est devenu une plateforme tirant profit de sa situation géographiq­ue privilégié­e pour des lignes à destinatio­n du reste de l’Afrique, de l’Europe, du Moyen-Orient et de l’Asie.

Outre la compagnie aérienne nationale, cette décision concerne également l’entreprise publique de télécoms Ethio Telecom, ou encore la compagnie d’électricit­é.

L’économie éthiopienn­e, très largement sous le contrôle de l’État, a enregistré entre 2004 et 2016 une croissance annuelle moyenne de près de 10,5 %.

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