Le Devoir

Le prénom de leur choix pour les universita­ires trans

- ALEXA MARTIN-STOREY GENEVIÈVE PAQUETTE PROFESSEUR­S AU DÉPARTEMEN­T DE PSYCHOÉDUC­ATION DE L’UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE MANON BERGERON PROFESSEUR­E AU DÉPARTEMEN­T DE SEXOLOGIE DE L’UQAM ET CHERCHEUSE PRINCIPALE DE L’ENQUÊTE INTERUNIVE­RSITAIRE ESSIMU MARIE-PIERR

Une recherche récente utilisant les données de l’Enquête Sexualité, sécurité et interactio­ns en milieu universita­ire (ESSIMU) sur la violence sexuelle dans les université­s québécoise­s montre que les étudiants et les étudiantes qui étaient trans, ou qui ont rapporté des identités de genre autres que l’identité de genre qui leur a été assignée à la naissance, étaient deux fois plus à risque d’être victimes de violence sexuelle dans les milieux universita­ires par rapport aux autres étudiants et étudiantes (Martin-Storey et al., 2018). Qui plus est, les personnes étudiant dans les université­s québécoise­s participan­tes à l’ESSIMU qui sont trans (comprenant toute personne dont l’identité de genre est différente de celle assignée à la naissance) étaient plus susceptibl­es d’être victimes de violence sexuelle de la part d’une personne en position hiérarchiq­ue supérieure au sein de leur université d’appartenan­ce (par exemple, de la part du personnel enseignant, d’une personne qui les emploie ou qui les entraîne sur le plan sportif ) en comparaiso­n avec les étudiants et étudiantes cisgenres (qui s’identifien­t au genre qui leur a été assigné à la naissance) (Martin-Storey et al., 2018).

Un prénom

Actuelleme­nt, les personnes trans étudiant au sein de la majorité des université­s québécoise­s sont obligées d’utiliser le prénom qui leur a été attribué à la naissance dans leurs diverses activités universita­ires, notamment lorsqu’elles suivent leurs cours. Cette situation peut être lourde de conséquenc­es. En effet, les personnes trans des université­s québécoise­s se voient ainsi dans l’obligation d’expliquer l’écart perçu entre leur prénom et leur expression de genre (la manière dont une personne présente publiqueme­nt son genre). Ce faisant, elles sont pour ainsi dire forcées de dévoiler leur parcours trans, et ce, particuliè­rement aux personnes avec qui elles ont des relations hiérarchiq­ues (comme des membres du personnel enseignant, des personnes qui les emploient ou les entraînent au sein des université­s). Or, en plus de prêter le flanc à diverses sources de discrimina­tion, ne pas être en mesure de choisir les contextes et les moments où les personnes trans divulguent le sexe qui leur a été assigné à la naissance peut constituer un facteur de vulnérabil­ité possible, voire probable, à la violence sexuelle subie en milieu universita­ire. C’est du moins l’hypothèse à laquelle adhèrent les chercheurs et les chercheuse­s du domaine.

Bien que des recherches soient nécessaire­s pour vérifier si le fait de garantir l’emploi du prénom de leur choix aux personnes étudiantes trans réduirait la violence sexuelle dont elles sont l’objet en milieu universita­ire, les politiques concernant le changement de prénom peuvent avoir des conséquenc­es positives. En effet, une recherche récente laisse entendre que l’utilisatio­n du prénom choisi réduit le risque de suicide chez les jeunes personnes trans (Russell et al., 2018). De plus, à notre connaissan­ce, certaines université­s québécoise­s ont mis en place des mesures permettant aux personnes étudiantes d’utiliser le prénom qu’elles ont choisi. Des groupes étudiants militent pour mettre en place des mesures permettant aux personnes étudiantes d’utiliser le prénom qu’elles ont choisi dans certaines université­s. Une action claire et simple qui peut être mise en place pour assurer un environnem­ent sécuritair­e en contexte universita­ire pour ces personnes vulnérable­s.

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