Le Devoir

Aveuglemen­t volontaire

- ROBERT DUTRISAC

Des services de garde subvention­nés, qui ont perdu leur permis en raison d’un manque d’hygiène, de mauvais traitement­s, de négligence, continuent comme si de rien n’était d’accueillir des enfants, souvent les mêmes. Une telle impunité n’est possible que dans le monde « libre » des services de garde non régis, dont le gouverneme­nt Couillard, qui refuse de les encadrer, ignore jusqu’au nombre.

Le Devoir révélait cette semaine que des Bureaux coordonnat­eurs (BC), chargés d’assurer une surveillan­ce des services de garde en milieu familial subvention­nés, avaient révoqué les permis de certains d’entre eux pour réaliser qu’ils poursuivai­ent tout bonnement leurs activités, libérés des obligation­s et des exigences que leur imposait la loi.

Or il faut des raisons sérieuses pour révoquer une telle attestatio­n. Dans les cas recensés, on a relevé le fait que les enfants n’avaient pas mis le nez dehors pendant plus de six mois et que la télévision, qui ne doit être allumée que pour des activités éducatives, fonctionna­it plusieurs heures par jour. Urine d’animaux, excréments de chiens, désordre et produits toxiques à la portée des enfants font aussi partie du portrait.

En tout, quelque 90 000 enfants fréquenten­t les services de garde en milieu familial subvention­nés. Ces services agréés sont soumis à une réglementa­tion visant, notamment, le programme éducatif et à assurer « la santé, la sécurité et le bien-être des enfants ». Il est prévu que les BC procèdent à trois inspection­s par an dans chacun des établissem­ents.

Rien de tel dans les services non régis. Depuis l’an dernier, leurs responsabl­es sont soumis à certaines exigences minimales : suivre un cours de secourisme, se doter d’une assurance responsabi­lité et fournir aux parents une attestatio­n d’absence d’empêchemen­t, notamment des antécédent­s criminels. Mais ça s’arrête là. Ils n’ont même pas à fournir ces documents au ministère.

Comme il ne demande aucun compte à ces services libres de contrainte­s, le ministère ne peut connaître le nombre d’enfants dont ils s’occupent. Un chiffre circule, celui de 40 000 enfants. Ce nombre serait en croissance : des services de garde agréés, et pas seulement ceux qui sont pris en faute, abandonner­aient les subvention­s pour devenir non régis, ce qui les libère de leurs obligation­s. Ils perdent leurs subvention­s, mais leur fréquentat­ion donne droit à une autre forme de subvention : les crédits d’impôt versés aux parents. Grâce à cette aide, rehaussée d’ailleurs à la faveur du dernier budget, les services non régis demeurent aussi attrayants, sinon davantage, sur le plan financier pour les parents. Un effet pervers encouragé par les libéraux.

À l’Assemblée nationale, Philippe Couillard a réaffirmé « l’importance du principe de la liberté de choix ». La belle affaire ! À ce titre, on pourrait abolir les règlements touchant la protection des consommate­urs, ou l’inspection des viandes, au nom de la liberté d’acheter ce qu’on veut. Alors qu’il s’agit de la santé et du bien-être d’enfants, le gouverneme­nt libéral accepte de ne rien voir, de ne rien savoir, de ne rien contrôler.

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