Aveuglement volontaire
Des services de garde subventionnés, qui ont perdu leur permis en raison d’un manque d’hygiène, de mauvais traitements, de négligence, continuent comme si de rien n’était d’accueillir des enfants, souvent les mêmes. Une telle impunité n’est possible que dans le monde « libre » des services de garde non régis, dont le gouvernement Couillard, qui refuse de les encadrer, ignore jusqu’au nombre.
Le Devoir révélait cette semaine que des Bureaux coordonnateurs (BC), chargés d’assurer une surveillance des services de garde en milieu familial subventionnés, avaient révoqué les permis de certains d’entre eux pour réaliser qu’ils poursuivaient tout bonnement leurs activités, libérés des obligations et des exigences que leur imposait la loi.
Or il faut des raisons sérieuses pour révoquer une telle attestation. Dans les cas recensés, on a relevé le fait que les enfants n’avaient pas mis le nez dehors pendant plus de six mois et que la télévision, qui ne doit être allumée que pour des activités éducatives, fonctionnait plusieurs heures par jour. Urine d’animaux, excréments de chiens, désordre et produits toxiques à la portée des enfants font aussi partie du portrait.
En tout, quelque 90 000 enfants fréquentent les services de garde en milieu familial subventionnés. Ces services agréés sont soumis à une réglementation visant, notamment, le programme éducatif et à assurer « la santé, la sécurité et le bien-être des enfants ». Il est prévu que les BC procèdent à trois inspections par an dans chacun des établissements.
Rien de tel dans les services non régis. Depuis l’an dernier, leurs responsables sont soumis à certaines exigences minimales : suivre un cours de secourisme, se doter d’une assurance responsabilité et fournir aux parents une attestation d’absence d’empêchement, notamment des antécédents criminels. Mais ça s’arrête là. Ils n’ont même pas à fournir ces documents au ministère.
Comme il ne demande aucun compte à ces services libres de contraintes, le ministère ne peut connaître le nombre d’enfants dont ils s’occupent. Un chiffre circule, celui de 40 000 enfants. Ce nombre serait en croissance : des services de garde agréés, et pas seulement ceux qui sont pris en faute, abandonneraient les subventions pour devenir non régis, ce qui les libère de leurs obligations. Ils perdent leurs subventions, mais leur fréquentation donne droit à une autre forme de subvention : les crédits d’impôt versés aux parents. Grâce à cette aide, rehaussée d’ailleurs à la faveur du dernier budget, les services non régis demeurent aussi attrayants, sinon davantage, sur le plan financier pour les parents. Un effet pervers encouragé par les libéraux.
À l’Assemblée nationale, Philippe Couillard a réaffirmé « l’importance du principe de la liberté de choix ». La belle affaire ! À ce titre, on pourrait abolir les règlements touchant la protection des consommateurs, ou l’inspection des viandes, au nom de la liberté d’acheter ce qu’on veut. Alors qu’il s’agit de la santé et du bien-être d’enfants, le gouvernement libéral accepte de ne rien voir, de ne rien savoir, de ne rien contrôler.