Le Devoir

Pas le fiasco que l’on craint

Selon un expert, des accords importants sur des enjeux d’égalité, d’environnem­ent et de démocratie seront sans doute conclus

- ÉRIC DESROSIERS

Le Sommet du G7 qui s’ouvre officielle­ment vendredi, à La Malbaie, dans Charlevoix, ne sera pas le fiasco et la foire d’empoigne avec les États-Unis que plusieurs craignent, pense le cofondateu­r et directeur du Groupe de recherche sur le G7 de l’Université de Toronto, John Kirton. Bien sûr, les six autres chefs d’État ne manqueront pas, durant leur rencontre de deux jours, d’exprimer au président américain tout le mal qu’ils pensent de la guerre commercial­e qu’il a déclenchée, de son rejet de l’Accord de Paris sur les changement­s climatique­s ou encore de sa sortie de l’entente sur le nucléaire iranien. Mais on trouvera, malgré tout, le moyen de s’entendre sur des enjeux importants liés notamment à la promotion de l’égalité hommesfemm­es, à la protection de l’environnem­ent et à la défense des institutio­ns démocratiq­ues, prédit l’expert. Entretien.

Les relations entre les États-Unis et les six autres pays du G7 se sont-elles trop dégradées ces dernières semaines pour encore espérer qu’ils pourront s’entendre sur quoi que ce soit de substantie­l à La Malbaie ce week-end ?

Je ne crois pas. Je pense au contraire que le sommet de Charlevoix débouchera sur au moins trois avancées importante­s : sur l’aide à l’éducation des jeunes filles pauvres, sur la réduction des déchets plastiques et sur la lutte contre l’interféren­ce de pays étrangers dans les processus démocratiq­ues.

Quand vous parlez de l’aide à l’éducation des jeunes filles, vous faites référence à ce projet de fonds de 1,3 milliard sur trois ans auquel est notamment associée la Prix Nobel Malala Yousafzai ?

Justin Trudeau voudra que ce soit plus que 1,3 milliard, ne serait-ce que pour ne pas souffrir de la comparaiso­n avec les quelque 40 milliards finalement obtenus par Stephen Harper pour l’aide à la santé des femmes lors du dernier Sommet du G7 au Canada. L’avantage de ce programme est qu’il évite l’épineuse question de l’avortement et que des gains dans l’éducation permettrai­ent de faire avancer la cause des femmes sur plusieurs plans, dont l’emploi, la santé et même le débat démocratiq­ue.

Et l’entente sur le plastique? N’est-ce pas surtout une façon de contourner la question des changement­s climatique­s qui fâchent les Américains ?

C’est vrai qu’un grand avantage du projet de charte zéro déchet plastique est que les sept pays y sont favorables. Mais ce serait quand même une avancée importante, même si plusieurs détails ne seront pas réglés avant une réunion ministérie­lle qui doit se tenir cet automne. Et cela n’empêchera pas les six autres pays de réitérer, y compris dans le communiqué final, l’importance qu’ils accordent à la question des changement­s climatique­s ou à celle des tarifs américains.

L’impression générale que laissera ce sommet ne sera-t-elle pas quand même celle d’un rendez-vous manqué entre les États-Unis et ces six autres pays?

Peut-être pas. Tout cela pourrait aussi tourner à la faveur de Donald Trump. On sent déjà la Maison-Blanche essayer de réenligner son discours sur le commerce contre les abus de la Chine, ce sur quoi les autres sont assez d’accord. Et puis, le véritable enjeu d’actualité des prochains jours ne sera pas les tarifs sur l’acier et l’aluminium, mais la réunion de Donald Trump avec le leader de la Corée du Nord, Kim Jong-un. Cela ne vaudra peut-être pas le prix Nobel au président américain, mais il pourrait très bien repartir de La Malbaie pour sa rencontre à Singapour auréolé du statut de défenseur de la cause des pays du G7.

Chose certaine, son hôte canadien, Justin Trudeau, lui, en sortira fatigué.

Il ne devrait pas trop se plaindre. Son père, Pierre Elliott Trudeau, lorsqu’il était premier ministre, avait eu à organiser le premier Sommet du G7 à se tenir au Canada, à Montebello, en 1981. On était en pleine guerre froide et il y avait notamment un nouveau président américain va-t-en-guerre de droite, Ronald Reagan, et un nouveau président français, François Mitterrand, allié à des communiste­s, qui venait de nationalis­er les banques. Le sommet a quand même été un succès.

C’est vrai qu’un grand avantage du projet de charte zéro déchet plastique est que les sept pays y sont favorables

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