Comptable le jour, arbitre le soir
Joe Fletcher, seul Canadien à participer à la Coupe du monde en Russie
L’équipe canadienne de soccer ne s’est pas qualifiée pour la Coupe du monde masculine de soccer qui débute ce jeudi, mais le Canada aura malgré tout un représentant. Joe Fletcher, un comptable de 41 ans originaire de Niagara Falls, en Ontario, en sera à son deuxième Mondial à titre d’arbitre assistant. Et lui aussi rêve à la grande finale.
Pour tous les joueurs de soccer de la planète, même les plus talentueux, le fait de participer à la Coupe du monde de soccer a une signification particulière. C’est en quelque sorte une consécration, la preuve que vous faites partie de l’élite du sport le plus pratiqué au monde. Et ce n’est pas différent pour Joe Fletcher.
«La Coupe du monde, c’est la plus grande compétition dans laquelle on peut être. Ce n’est pas seulement suivi par les gens qui aiment le soccer. Tous les quatre ans, tout le monde devient un fan de soccer, a-t-il expliqué au Devoir deux semaines avant le coup d’envoi de l’événement présenté en Russie. Quand vous êtes à la
Coupe du monde, vous savez que chaque match est regardé dans plus de 200 pays, pas seulement deux ou trois. »
Comptable le jour, arbitre le soir
Dans la vie de tous les jours, Joe Fletcher enfile un veston pour aller travailler dans un cabinet comptable de St-Catharines, une municipalité située en bordure du lac Ontario. Mais le soir et la fin de semaine, il troque sa cravate pour son uniforme d’arbitre et il applique les Lois du jeu lors de matchs de très haut niveau.
Depuis qu’il a obtenu son écusson de la FIFA en 2007, il a notamment été arbitre assistant lors de deux finales de la Major League Soccer (MLS), de matchs de la Ligue des champions de la CONCACAF (la confédération qui regroupe l’Amérique du Nord, l’Amérique centrale et les Caraïbes) et de rencontres de la Coupe des confédérations de la FIFA.
Il a pris part à sa première Coupe du monde en 2014 au Brésil et il est de retour cette année, sans savoir exactement ce qui l’attend. Il sera assurément arbitre assistant, sur les lignes de touche ou à la reprise vidéo, mais il ne connaît pas le nombre ni la date des parties lui seront assignées. En effet, pour éviter le trucage de matchs, la FIFA n’annonce que deux jours avant chaque rencontre qui seront les officiels en poste.
«Je sais ce qui m’attend parce que c’est ma deuxième expérience, mais chaque fois, c’est une grande aventure », souligne-t-il.
Gravir les échelons
Seule une poignée d’arbitres canadiens ont eu la chance de participer à la Coupe du monde masculine de soccer. Et du lot, M. Fletcher est le tout premier à être né au pays. Il a fait ses débuts en arbitrant des matchs locaux alors qu’il était adolescent, sans se douter de ce qui l’attendait.
« Au départ, je ne rêvais pas nécessairement d’être arbitre à un haut niveau, mais à mesure que j’ai avancé, j’y ai pris goût et j’ai commencé à y croire », raconte-t-il.
Il a roulé sa bosse pendant des années, jusqu’au jour où il a attiré l’attention des responsables de l’arbitrage international. « Si vous faites bien, vous êtes promus. Et quand vous arbitrez un gros match, vous pouvez être certain que des responsables sont là pour vous regarder. »
À l’approche de la Coupe du monde 2018, il s’est soumis à un entraînement intense, comparable à celui d’un athlète professionnel. La flexibilité et l’endurance sont primordiales, mais à son avis, c’est la vitesse qui compte le plus pour être en mesure de ne rien manquer sur les lignes de touche.
«Mon but est d’être le plus rapide possible. On ne peut jamais être parfait, mais je veux être le plus près de l’action possible au moment de prendre de grosses décisions. »
Arrivée des reprises vidéo
En Russie, Joe Fletcher devrait être appelé à se pencher sur des reprises vidéo, qui seront utilisées pour la première fois lors d’une Coupe du monde masculine de soccer. L’arbitre central pourra y faire appel dans seulement quatre situations : après un but marqué, pour accorder ou non un tir de pénalité (« penalty »), pour décerner un carton rouge direct ou pour corriger une erreur d’identité d’un joueur sanctionné.
L’arrivée de l’assistance vidéo — qui dénature le sport selon les uns et qui le fait entrer dans la modernité selon les autres — est une bonne nouvelle, estime M. Fletcher. « S’il y a une erreur sur le terrain que 1000 personnes ont vue et que tout le monde est d’accord, on sera en mesure de la voir. »
Comme tout officiel qui se respecte, M. Fletcher n’est visiblement pas de nature très nerveuse. Il répète que la Coupe du monde est pour lui «une grande aventure » et qu’il veut simplement faire de son mieux à chacun des matchs qui lui seront confiés.
Il y a quatre ans, il a pu voir le trophée du tournoi de près, mais c’est à partir des gradins qu’il a assisté à la finale. Il espère que l’histoire sera différente cette année, et que sa bonne tenue lors de la compétition forcera la main des responsables de la FIFA.
« C’est certain que tous les arbitres rêvent de prendre part à la finale de la Coupe du monde. Je serais très heureux d’être choisi, mais je n’aurai pas de regrets si ça n’arrive pas. Tout ce que je peux faire, c’est travailler fort, conclut-il. On verra bien. »