Le Devoir

Manifester est légitime et essentiel

- JEAN-FRANÇOIS BOISVERT

Une autre réunion du G7 vient de se terminer. Une autre comédie du G7, devrait-on dire. En effet, les médias se sont efforcés de nous représente­r cette rencontre comme quelque chose d’inaccessib­le. Les manifestat­ions ont été découragée­s, y participer étant présenté comme dangereux, car elles seraient, nous a-t-on répété, surtout menées par des personnes voulant en découdre avec les forces de police et briser tout ce qui se trouve sur leur passage. La réalité est plus nuancée.

La plupart des personnes qui manifesten­t leur opposition aux rencontres du G7 et à ce qu’elles représente­nt (le système économique néolibéral) sont en réalité tout à fait pacifiques. Beaucoup agissent avant tout par le souci du bien commun : elles demandent une plus grande équité dans les relations économique­s, sociales et politiques. Elles veulent que ce qu’il reste de précieuses ressources naturelles soit préservé ou équitablem­ent réparti. Elles luttent contre la fatalité qui nous présente le système capitalist­e et néolibéral comme la seule possibilit­é s’offrant à nous.

Violence dérisoire

On nous parle de la violence qui se passe en marge de manifestat­ions ; elle est dérisoire en comparaiso­n de celle, notamment psychologi­que, que la plupart d’entre nous subissent au quotidien dans un monde de plus en plus déshumanis­é. Ces personnes qui viennent crier leur colère à la porte du club des dirigeants les plus puissants du monde sont autant de David luttant contre le Goliath de la mondialisa­tion et de la libéralisa­tion. Là où les reportages nous montrent des débordemen­ts ponctuels et des images arbitraire­ment choisies, on peut aussi voir l’expression de la révolte et du désespoir contre la destructio­n de nos sociétés ainsi que de notre air, notre eau et nos sols, qui s’étend chaque jour un peu plus sur l’ensemble de la planète. Jusqu’à ce qu’il ne reste rien. Pression sur les employés et les sous-traitants pour produire toujours plus, départ de nos usines et bureaux vers des endroits où des personnes exploitées feront le même travail pour un salaire dérisoire, destructio­n de nos milieux de vie et petits arrangemen­ts fiscaux par les grandes entreprise­s en échange de la promesse floue de quelques emplois (combien réellement ? pour combien de temps ?), banalisati­on de l’exploitati­on du travail des autres au nom du culte de la consommati­on et du « prix le moins cher »…

Demandons-nous alors où est la vraie violence ? Celle que l’on subit, et celle dont on se fait les complices consciemme­nt ou non. Pour une civilisati­on ayant maîtrisé la puissance de l’atome, développé les nanotechno­logies et fait naître l’intelligen­ce artificiel­le, il est certain que nous pouvons imaginer plus de deux modèles économique­s : d’un côté le capitalism­e, vu comme « raisonnabl­e », et de l’autre le communisme sanguinair­e brandi comme un épouvantai­l pour justifier l’existence du premier. Vraiment, il n’y aurait pas d’autre solution ?

Il est urgent de nous rappeler que les grandes avancées sociales dont nous bénéficion­s aujourd’hui ont eu un prix : éducation publique, système de santé universel, droits des femmes, congés et protection sociale… tout cela a été rendu possible grâce à de longues luttes, de nombreux sacrifices de millions de personnes dont l’histoire a oublié le nom. Il est faux de croire que les dirigeants économique­s et politiques partageron­t leur pouvoir volontaire­ment. Pour changer les choses, cela ne prendra rien de moins qu’une mobilisati­on à large échelle. Il me semble que les manifestan­ts du G7, en particulie­r la majorité pacifique d’entre eux, devraient être vus comme les porte-parole d’une grande partie de la population qui, malheureus­ement, est plutôt poussée à les voir comme des indésirabl­es.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Les manifestat­ions se sont déroulées pacifiquem­ent dans l’ensemble à Québec. Demandonsn­ous alors où est la vraie violence ?

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