Manifester est légitime et essentiel
Une autre réunion du G7 vient de se terminer. Une autre comédie du G7, devrait-on dire. En effet, les médias se sont efforcés de nous représenter cette rencontre comme quelque chose d’inaccessible. Les manifestations ont été découragées, y participer étant présenté comme dangereux, car elles seraient, nous a-t-on répété, surtout menées par des personnes voulant en découdre avec les forces de police et briser tout ce qui se trouve sur leur passage. La réalité est plus nuancée.
La plupart des personnes qui manifestent leur opposition aux rencontres du G7 et à ce qu’elles représentent (le système économique néolibéral) sont en réalité tout à fait pacifiques. Beaucoup agissent avant tout par le souci du bien commun : elles demandent une plus grande équité dans les relations économiques, sociales et politiques. Elles veulent que ce qu’il reste de précieuses ressources naturelles soit préservé ou équitablement réparti. Elles luttent contre la fatalité qui nous présente le système capitaliste et néolibéral comme la seule possibilité s’offrant à nous.
Violence dérisoire
On nous parle de la violence qui se passe en marge de manifestations ; elle est dérisoire en comparaison de celle, notamment psychologique, que la plupart d’entre nous subissent au quotidien dans un monde de plus en plus déshumanisé. Ces personnes qui viennent crier leur colère à la porte du club des dirigeants les plus puissants du monde sont autant de David luttant contre le Goliath de la mondialisation et de la libéralisation. Là où les reportages nous montrent des débordements ponctuels et des images arbitrairement choisies, on peut aussi voir l’expression de la révolte et du désespoir contre la destruction de nos sociétés ainsi que de notre air, notre eau et nos sols, qui s’étend chaque jour un peu plus sur l’ensemble de la planète. Jusqu’à ce qu’il ne reste rien. Pression sur les employés et les sous-traitants pour produire toujours plus, départ de nos usines et bureaux vers des endroits où des personnes exploitées feront le même travail pour un salaire dérisoire, destruction de nos milieux de vie et petits arrangements fiscaux par les grandes entreprises en échange de la promesse floue de quelques emplois (combien réellement ? pour combien de temps ?), banalisation de l’exploitation du travail des autres au nom du culte de la consommation et du « prix le moins cher »…
Demandons-nous alors où est la vraie violence ? Celle que l’on subit, et celle dont on se fait les complices consciemment ou non. Pour une civilisation ayant maîtrisé la puissance de l’atome, développé les nanotechnologies et fait naître l’intelligence artificielle, il est certain que nous pouvons imaginer plus de deux modèles économiques : d’un côté le capitalisme, vu comme « raisonnable », et de l’autre le communisme sanguinaire brandi comme un épouvantail pour justifier l’existence du premier. Vraiment, il n’y aurait pas d’autre solution ?
Il est urgent de nous rappeler que les grandes avancées sociales dont nous bénéficions aujourd’hui ont eu un prix : éducation publique, système de santé universel, droits des femmes, congés et protection sociale… tout cela a été rendu possible grâce à de longues luttes, de nombreux sacrifices de millions de personnes dont l’histoire a oublié le nom. Il est faux de croire que les dirigeants économiques et politiques partageront leur pouvoir volontairement. Pour changer les choses, cela ne prendra rien de moins qu’une mobilisation à large échelle. Il me semble que les manifestants du G7, en particulier la majorité pacifique d’entre eux, devraient être vus comme les porte-parole d’une grande partie de la population qui, malheureusement, est plutôt poussée à les voir comme des indésirables.