Gestion de l’offre : Couillard monte le ton
Les États-Unis n’ont pas de leçon à donner au Canada ou au Québec en matière de soutien gouvernemental à l’agriculture, selon le premier ministre Philippe Couillard.
Car s’il y a « un pays qui met des barrières et qui subventionne largement son agriculture, comme la plupart des pays d’ailleurs, c’est bien les États-Unis », a-t-il commenté lundi lors d’une mêlée de presse, en réaction aux propos incendiaires tenus le week-end dernier par le président américain en marge du Sommet du G7.
Dans le contexte où la question des relations commerciales Canada–États-Unis devient de plus en plus tendue, M. Couillard s’est engagé à « défendre coûte que coûte, avec énormément de détermination », les intérêts économiques du Québec, notamment pour maintenir le système de gestion de l’offre, qui protège le marché des producteurs québécois d’oeufs, de lait et de volaille.
Aide étatique massive
Au cours des derniers jours, le président Trump n’a pas apprécié le fait d’entendre le premier ministre Justin Trudeau critiquer les tarifs imposés dernièrement par les États-Unis aux exportations canadiennes d’acier et d’aluminium. Il a répliqué en disant que M. Trudeau taisait le fait que le Canada imposait des tarifs pouvant atteindre 300 % aux exportations américaines de produits laitiers.
Mais le président Trump ne s’est pas vanté du soutien considérable que son propre pays apporte à ses agriculteurs. « Le jour où il aura aboli tout ça aux États-Unis, on écoutera ce qu’il a à dire », a dit M. Couillard, faisant référence à l’aide étatique « massive » apportée par les États-Unis à plusieurs secteurs de son agriculture, dont le sucre, le tabac, sans compter « des subventions directes à l’industrie laitière», de l’ordre de presque 70 % des revenus directs ou indirects.
Le gouvernement a réussi à faire adopter à l’unanimité par les parlementaires une motion réaffirmant l’importance de maintenir le système de gestion de l’offre, attaqué par les Américains, mais auquel les agriculteurs québécois tiennent mordicus. Dans une plus large mesure, l’économie du Québec repose sur l’exportation, a rappelé M. Couillard, et toute menace à la libre circulation des biens doit être écartée. Environ 70 % des biens exportés par le Québec prennent le chemin des États-Unis.
Le chef de l’opposition officielle, Jean-François Lisée, a soutenu que le Québec et le Canada ne devaient pas céder un pouce dans leur négociation avec les États-Unis sur les échanges commerciaux, particulièrement sur la gestion de l’offre. « On n’acceptera aucun recul », a-t-il dit lors d’une mêlée de presse, soutenant que le président Trump se montrait « obsédé » par la gestion de l’offre et disant craindre que le premier ministre Trudeau cède du terrain, après avoir laissé entendre qu’il pourrait faire preuve de « flexibilité » dans ce dossier.
« N’essayons pas d’entrer dans la tête de Donald Trump, ça peut être dangereux », a ajouté M. Lisée, réaffirmant que l’important consiste à défendre avec une fermeté exemplaire les intérêts du Québec.
Producteurs laitiers
Les producteurs laitiers canadiens sont également montés aux barricades, rejetant les attaques personnelles du gouvernement américain à l’endroit du premier ministre canadien. « Le déficit commercial du Canada avec les États-Unis est de 5:1 pour les produits laitiers seulement. De plus, les importations admises en franchise de droits représentent 10 % du marché canadien des produits laitiers, alors que les États-Unis importent seulement 3 % de leur marché », ont-ils avancé.
« La source du problème des États-Unis est qu’il s’y produit trop de lait, alors que le marché mondial est déjà sursaturé. Le lait produit au Canada suffit déjà à approvisionner le pays, qui est moins peuplé que le seul État de la Californie. À lui seul, le Wisconsin produit plus de lait que l’ensemble des fermes canadiennes. De toute évidence, le marché canadien est trop petit pour régler le problème de surproduction des ÉtatsUnis », ont précisé les producteurs, dans leur communiqué.