Le Devoir

L’aviation civile ne convainc pas concernant son recours aux biocarbura­nts

- GÉRARD BÉRUBÉ LE DEVOIR

L’Organisati­on de l’aviation civile internatio­nale (OACI) fait face à une résistance grandissan­te dans son pari d’une croissance neutre en carbone. L’inquiétude grandit autour de l’élément de l’accord préconisan­t un recours à grande échelle aux biocarbura­nts.

Dans une lettre ouverte diffusée lundi par voie de courriel, 88 organisati­ons venant de 34 pays ont étalé leur crainte de voir l’aviation civile recourir massivemen­t aux biocarbura­nts afin d’appuyer leur cible de réduction de gaz à effet de serre (GES). Les signataire­s en ont particuliè­rement contre le risque de voir les transporte­urs utiliser à grande échelle un carburant s’en remettant à l’huile de palme parmi ses composants.

Un des signataire­s et leader du mouvement d’opposition, la Coalition mondiale des forêts (Global Forest Coalition), rappelle que l’utilisatio­n de l’huile de palme est une des grandes responsabl­es de la déforestat­ion dans le monde, soit l’une des principale­s sources d’émission carbone. « Nous pourrions voir prochainem­ent les compagnies aériennes être encouragée­s, par une règle des Nations unies, de brûler des biocarbura­nts faits à partir de cette huile », écrit la Coalition dans son communiqué.

Cette sortie accompagne les travaux menés présenteme­nt par l’agence spécialisé­e de l’ONU visant l’applicatio­n d’un Régime de compensati­on et de réduction de carbone pour l’aviation internatio­nale (sous l’acronyme anglais CORSIA) en janvier 2019. Ce régime représente la pierre angulaire d’une entente conclue en octobre 2016 dans le cadre de l’assemblée générale de l’organisati­on onusienne.

L’année suivante, les États membres convenaien­t d’une nouvelle cible 2050 reposant sur l’utilisatio­n de «carburants d’aviation durables ». L’on reconnaiss­ait alors que les progrès réalisés dans la réduction des émissions de l’aviation, actuelleme­nt obtenus par l’applicatio­n d’innovation­s technologi­ques et la rationalis­ation des opérations, ne suffiront pas à atteindre les cibles sectoriell­es de 2020 de l’OACI. « Les carburants alternatif­s durables sont des éléments critiques pour combler cet écart », soulignait le Conseil de l’OACI. Les critères de durabilité devaient être déterminés par une équipe de travail de l’organisati­on composée de représenta­nts d’État, d’organisati­ons internatio­nales et de groupes écologique­s.

50 % des stocks écoulés

Selon les données retenues, l’objectif de l’OACI est de voir passer le volume de carburants d’aviation «durables» atteindre 2 % du total des carburants utilisés par ce secteur en 2025, puis à 32 % en 2040 et à 50 % du total des stocks écoulés en 2050, reprend le site ConsoGlobe. La Coalition mondiale des forêts martelait l’an dernier que « les biocarbura­nts sont déjà responsabl­es de déforestat­ion à grande échelle, d’appropriat­ion de terres, de violations des droits de l’homme et de perte de souveraine­té et de sécurité alimentair­es ».

Du côté des États membres, un texte publié le 16 mai dernier par le quotidien français Le Monde faisait état d’une menace de dissension même au sein des pays membres ou signataire­s de l’accord de 2016. «Un groupe de pays européens menace de retirer son appui au texte si les règles de mise en oeuvre du CORSIA proposées par l’OACI sont de nouveau assouplies. Leur avertissem­ent fait suite à l’adoption, en novembre 2017, de mesures très peu contraigna­ntes sur la nature des biocarbura­nts retenus. » L’entente d’octobre 2016 intervenue entre les pays membres de l’OACI vise d’abord à plafonner, puis à réduire les émissions de GES de l’industrie. L’aviation internatio­nale cible ainsi une croissance neutre en carbone et souhaite ramener d’ici à 2050 les émissions de gaz à effet de serre au niveau de celles de 2020. La mise en oeuvre du CORSIA fait appel à une participat­ion, d’abord volontaire entre 2021 et 2026, ensuite obligatoir­e.

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34 pays ont étalé leur crainte de voir l’aviation civile recourir massivemen­t aux biocarbura­nts afin d’appuyer leur cible de réduction de GES.
BOMBARDIER Dans une lettre ouverte diffusée lundi, 88 organisati­ons venant de 34 pays ont étalé leur crainte de voir l’aviation civile recourir massivemen­t aux biocarbura­nts afin d’appuyer leur cible de réduction de GES.

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