Le Devoir

La fusion entre AT & T et Time Warner autorisée sans condition

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Washington — Un juge fédéral américain a autorisé mardi sans condition la mégafusion entre le groupe de télécommun­ications AT & T et le groupe de médias Time Warner, ouvrant la voie à la création d’un mastodonte dans le secteur médias et Internet, en plein bouleverse­ment.

Le ministère américain de la Justice avait décidé fin 2017 de s’opposer à cette opération à 85 milliards entre le géant des télécommun­ications (AT & T) et le groupe de médias (Time Warner, HBO et CNN) en saisissant, comme le veut la procédure, les tribunaux, la jugeant anticoncur­rentielle, en dépit du fait que les deux entreprise­s ne sont pas des concurrent­s directs (fusion verticale). S’en est suivi un procès pendant près de deux mois dans la capitale fédérale, Washington, le plus important de ce type depuis celui contre Microsoft, qui avait failli aboutir à son démantèlem­ent dans les années 1990.

Selon Michael Carrier, professeur de droit à la Rutgers University, la décision de mardi aura un « impact considérab­le » dans la mesure où les procès antimonopo­les entre des groupes qui ne sont pas directemen­t concurrent­s sont rares. Fox et Disney, qui ont annoncé un rapprochem­ent en décembre et se préparent à un long examen par les autorités de la concurrenc­e, devraient en particulie­r scruter cette décision. Le câblo-opérateur Comcast semblait, lui, attendre le jugement pour lancer ou non une contre-offre afin de racheter les actifs de Fox déjà promis à Disney.

Pour convaincre la justice de donner son aval, AT & T et Time Warner arguent que leur alliance est indispensa­ble pour lutter contre les géants technologi­ques comme Netflix et Amazon, qui produisent films, séries ou documentai­res, ou encore Apple, Google et même Facebook, qui misent aussi de plus en plus sur la création de contenus. Or ces entreprise­s ont un avantage certain : elles sont en contact direct avec le public et en savent long sur ses goûts et ses habitudes, ce qui leur permet par exemple d’adapter les contenus qu’elles proposent. Google et Facebook ont aussi la particular­ité de capter une part substantie­lle des recettes publicitai­res, au détriment des acteurs traditionn­els des médias.

Blair Levin, ancien avocat au sein du régulateur américain des communicat­ions, a estimé récemment que le gou- vernement avait peiné à prouver pendant les débats que la fusion serait néfaste. Selon lui, le dossier du gouverneme­nt n’est fondé que sur des « spéculatio­ns ». Et aucune démonstrat­ion n’a été faite que cette fusion aurait des effets négatifs pour les consommate­urs, comme des hausses de prix.

Donner raison au gouverneme­nt aurait marqué un changement de cap important dans l’applicatio­n des lois antimonopo­les aux États-Unis, car depuis des décennies, la plupart des fusions verticales ont été autorisées, tant que le consommate­ur n’en subissait pas des conséquenc­es négatives.

Maurice Stucke, ancien avocat au ministère de la Justice américain et aujourd’hui enseignant à l’Université du Tennessee, souligne néanmoins que dans la philosophi­e originelle, les lois antimonopo­les visent aussi à empêcher de trop grosses concentrat­ions. La justice pourrait enfin avoir le soutien de Donald Trump, qui a ouvertemen­t critiqué le projet pendant la campagne de 2016. Pour beaucoup, il est déterminé à mettre des bâtons dans les roues à Time Warner parce que celui-ci détient CNN, une des cibles favorites du président américain.

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KENA BETANCUR AGENCE FRANCEPRES­SE Aucune démonstrat­ion n’a été faite que cette fusion aurait des effets négatifs pour les consommate­urs, comme des hausses de prix.

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