L’Europe tangue
La lancinante incapacité de l’Europe à agir avec coeur et cohésion pour trouver une solution à la crise migratoire qui la déchire depuis quatre ans nous est rappelée presque au quotidien par les migrants qui meurent en mer en tentant la traversée. L’état de paralysie européenne ressaute aux yeux avec le refus de Rome d’accueillir les 629 passagers de l’Aquarius recueillis en Méditerranée. Tout condamnable qu’il soit, le refus italien était écrit dans le ciel depuis l’arrivée au pouvoir d’une coalition gouvernementale dont la Ligue (extrême droite) de Matteo Salvini, maintenant ministre de l’Intérieur, tient les rênes. L’occasion allait inévitablement se présenter pour la Ligue d’appliquer les politiques eurosceptiques et anti-immigrantes qui font son succès dans les urnes. Elle s’est présentée sous la forme de migrants rassemblés au large des côtes libyennes dans ce bateau affrété par les organisations humanitaires SOS Méditerranée et Médecins sans frontières.
En refusant à l’Aquarius l’accès aux ports italiens, M. Salvini a pris une décision mesquine et choquante. Mais c’est aussi une décision qui place l’Union européenne face aux conséquences de son inaction — et à l’urgence d’y remédier.
Chantre de la construction européenne, le président français, Emmanuel Macron, a malheureusement eu dans cette histoire une réaction inadéquate, l’enjeu se voyant petitement réduit à une chicane diplomatique — comme si l’homme n’avait su voir les choses que par réflexe anti-populiste. Car dénoncer comme il l’a fait « la part de cynisme et d’irresponsabilité du gouvernement italien », c’est faire l’impasse sur le fait que l’Italie a été laissée à elle-même depuis 2014 face à l’arrivée de centaines de milliers de migrants en provenance de Libye. Paris est du reste mal placé pour faire la morale à Rome alors qu’il a ignoré la proposition d’accueil des passagers de l’Aquarius faite par la Corse.
Pour ajouter à l’imbroglio, il y a depuis mercredi ce nouvel « axe » contre l’immigration illégale, formé par le ministre de l’Intérieur allemand — un conservateur à couteaux tirés avec la chancelière Merkel — en compagnie de ses homologues faucons d’Autriche et d’Italie. Front commun frondeur et inquiétant. Indication parmi d’autres que l’Europe tangue dangereusement.