Le Devoir

L’installati­on bidons de l’artiste Christo à Londres

- ÉDOUARD GUIHAIRE À LONDRES AGENCE FRANCE-PRESSE

Il n’y a pas de message. Qu’elle soit critique ou positive, toute interpréta­tion est légitime. CHRISTO

Six cents tonnes, 7506 bidons empilés en forme de trapèze : l’artiste Christo a dévoilé lundi sa plus récente oeuvre, un mastaba flottant sur le lac Serpentine à Hyde Park, une installati­on monumental­e, déroutante, destinée autant à susciter le débat qu’à « stimuler les sens ».

En voyant cet assemblage de bidons métallique­s, faisant très fortement penser à des barils de pétrole au coeur d’un des poumons verts de Londres, d’aucuns penseront à un message contre la pollution. D’autres verront dans cette installati­on surprenant­e, visible à plusieurs centaines de mètres à la ronde, un genre de prisme, un pixel géant, ou bien une simple forme géométriqu­e.

L’oeuvre se veut par nature ouverte à toutes les interpréta­tions et n’a pas vocation à véhiculer une quelconque déclaratio­n, explique l’artiste.

« Marchez autour, regardez-la, je ne peux rien dire d’autre », demande Christo, vedette mondiale de l’art contempora­in connu pour les spectacula­ires « emballages » du Reichstag de Berlin (1995) et du Pont-Neuf à Paris (1985), lors d’une conférence de presse organisée sur les rives du Serpentine, lac artificiel prisé des touristes, cygnes et autres canards.

« Il n’y a pas de message, a ensuite précisé l’artiste âgé de 83 ans, Américain d’origine bulgare, à l’AFP. Qu’elle soit critique ou positive, toute interpréta­tion est légitime. »

Seule concession du créateur : l’oeuvre de 20 mètres de haut peut s’apparenter à une sorte « d’escalier vers le ciel ».

Première installati­on d’envergure à ciel ouvert de Christo au RoyaumeUni, ce mastaba (sépulture antique que l’on retrouve en Égypte et en Mésopotami­e) est constitué de 7506 bidons de métal de 200 litres reposant sur une plateforme flottante solidement ancrée au sol.

Rouge et blanc d’un côté, bleu, mauve et rouge de l’autre, le trapèze offre un contraste saisissant avec les eaux calmes et bordées de grands arbres du lac Serpentine.

Le bidon comme matériau artistique

Christo retrouve avec le « bidon » un matériau dont il apprécie le faible coût et le potentiel esthétique. L’artiste avait commencé à s’intéresser aux formes cylindriqu­es en réalisant à la fin des années 1950 des petites sculptures avec des canettes, peintes ou emballées.

En 1962, l’artiste, qui avait fui la Bulgarie communiste, avait barré une rue de Paris avec un mur de bidons, sa réponse au Mur de Berlin.

Plus récemment, Christo, lauréat avec son épouse Jeanne-Claude, aujourd’hui décédée, du Praemium Imperiale, considéré comme le Nobel des arts, avait créé un mur de 13 000 bidons à Oberhausen, dans l’ouest de l’Allemagne.

Le «London Mastaba», dont la constructi­on, financée par l’artiste, avait débuté le 3 avril, sera visible pendant l’été et jusqu’au 23 septembre, avant d’être recyclé.

À peine installée, l’oeuvre ne manquait pas de susciter des réactions étonnées, et partagées, chez les visiteurs de Hyde Park.

« On dirait des ballons pour enfants », a déclaré, un brin perplexe, une touriste de 46 ans, Yasmin Koc Ozcengel, originaire d’Istanbul.

« C’est très moderne, alors que l’endroit est à la fois naturel et historique », a-t-elle souligné, estimant que ce mastaba aurait pu être accueilli par un site plus approprié.

Christo voulait provoquer la réflexion ? « Il y est arrivé, parce que je suis là en train de réfléchir à ce que ça peut bien être », a dit de son côté Sheila Steffenson, une Américaine de 58 ans établie à Londres.

« Peut-être s’agit-il d’un message sur la pollution ? a-t-elle ajouté. Qui sait ? »

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NIKLAS HALLE’N AGENCE FRANCE-PRESSE L’artiste de 83 ans Christo vient de terminer The London Mastaba.Flottant sur le lac Serpentine, à Londres, la sculpture temporaire évoque la forme trapézoïda­le des tombeaux traditionn­els égyptiens appelés mastabas.

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