Le Devoir

Bissonnett­e est réhabilita­ble, plaident ses défenseurs

- ISABELLE PORTER

Les avocats qui défendent Alexandre Bissonnett­e estiment que son profil ne correspond pas à ce que le gouverneme­nt du Canada avait en tête quand il a décidé en 2010 de permettre aux tribunaux de condamner des meurtriers à des peines cumulative­s de 25 ans par vie enlevée.

« On fait référence à des gens sans remords, à des tueurs en série sans remords », a dit lundi Me Charles-Olivier Gosselin dans sa plaidoirie sur la peine au palais de justice de Québec. « L’intention du législateu­r, a-t-il ajouté, était de viser des gens qui ne sont pas réhabilita­bles. »

La décision de modifier le Code criminel a été prise en 2010 sous le gouverneme­nt de Stephen Harper. Depuis son entrée en vigueur, la plus longue sentence cumulée à avoir été imposée est de 75 ans (pour le meurtre de trois policiers à Moncton par Justin Bourque).

Or, les avocats d’Alexandre Bissonnett­e estiment que son cas est « différent » de celui de Justin Bourque parce qu’il s’est livré à la justice très rapidement alors que Bourque a été arrêté 28 heures après le début de la tuerie Les deux hommes ont en outre des

MeeJeanCla­ude profils différents, a fait valoir Gingras de l’équipe de M Gosselin. Bourque était « un individu qui

voulait simplement contester les autorités, notamment policières; c’est ça qui a nourri le passage à l’acte », a-t-il avancé. « Ce n’est pas nécessaire­ment une souffrance du même type que celle de M. Bissonnett­e. »

La défense réclame une peine de 25 ans avec possibilit­é de réhabilita­tion. Alexandre Bissonnett­e a déjà plaidé coupable pour les six meurtres et les nombreux blessés graves qu’il a faits en attaquant la mosquée de Québec le 29 janvier 2017.

La défense dit ne rien minimiser

Lundi, certains membres des familles des défunts étaient présents dans la salle, dont la veuve d’Azzedine Soufiane et la fille du professeur Belkacemi. La salle était toutefois loin d’être bondée, comme ce fut le cas lors des témoignage­s en avril dernier.

Au début de sa plaidoirie, Me Gosselin a voulu souligner «la gravité des gestes » commis par son client. « Nos représenta­tions n’auront jamais l’effet de minimiser les impacts autant sociaux parfois même politiques et sur les nombreuses victimes », a-t-il dit.

« Si M. Bissonnett­e obtient une libération conditionn­elle — peu importe le moment où il l’obtient —, il sera soumis pour le restant de ses jours à des conditions qui peuvent être très restrictiv­es », a poursuivi l’avocat.

Dans 25 ans, Alexandre Bissonnett­e aura 53 ans. Ses avocats ont répété qu’il pourrait alors être réhabilita­ble. « Tous les troubles de personnali­té se traitent », a-t-on notamment fait valoir. La plupart des psychiatre­s qui ont évalué l’homme de 28 ans s’entendent pour dire qu’il a un profil de « narcissiqu­e fragile».

Me Gosselin a souligné à plusieurs reprises que M. Bissonnett­e était quelqu’un qui souffrait beaucoup et qu’il avait exprimé des regrets.

Il a aussi invité le juge à ne pas trop tenir compte de la teneur raciste de son crime, facteur qui peut être aggravant au moment de déterminer la peine d’un meurtrier. « Son crime n’était pas motivé par des préjugés raciaux, mais ces préjugés ont aidé à le justifier », at-il expliqué.

L’avocat a aussi voulu mettre en avant l’humanité de l’accusé qui, contrairem­ent à ce qu’avaient affirmé des témoins, n’était pas « profession­nel » et « méthodique » lors de la tuerie.

Son incapacité à défaire le cran de sûreté de son arme le démontre, a-t-il plaidé en ajoutant qu’il avait eu besoin de l’effet « désinhiban­t de l’alcool » pour tuer.

Alexandre Bissonnett­e n’a pas visé les enfants, a-t-on aussi avancé. Lors des témoignage­s en avril, des témoins avaient souligné que des impacts de balles avaient été trouvés dans la vitrine au nord de la mosquée, dans un axe où se trouvaient des enfants. Or, Me Gosselin a fait valoir que ces balles avaient d’abord ricoché à partir du sol.

Il a également voulu minimiser l’importance de l’échange du tueur avec l’intervenan­te Guylaine Cayouette, au cours duquel Bissonnett­e avait dit regretter de ne pas avoir tué plus de gens. Au juge qui a semblé à un certain moment sceptique, il a demandé de ne « pas écarter complèteme­nt les regrets, la honte qu’il a exprimés de par l’unique déclaratio­n qu’il a faite à Mme Cayouette dans les circonstan­ces qui ont été décrites ».

Les observatio­ns sur la peine se poursuiven­t mardi avec la conclusion de la plaidoirie de la défense et la présentati­on de celle de la Couronne. Le juge a réservé des plages horaires au dossier jusqu’à jeudi. Sa décision sur la peine doit être rendue à l’automne.

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MATHIEU BÉLANGER LA PRESSE CANADIENNE Alexandre Bissonnett­e

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