Le Devoir

Le début de la fin du village de Pointe-Claire ?

- CLAUDE ARSENAULT RÉSIDENT DE POINTE-CLAIRE ET CITOYEN ENGAGÉ

Le village de Pointe-Claire, riche d’une histoire qui remonte à plus de 300 ans, représente l’un des plus beaux exemples de l’évolution d’un territoire depuis la Nouvelle-France, pour le Québec et le Canada. La ville de Pointe-Claire arbore fièrement comme emblème son moulin de 1710, faisant croire ainsi qu’elle a à coeur son patrimoine, mais qu’en est-il vraiment ?

Depuis mon enfance, que j’ai passée ici même dans le village de Pointe-Claire, j’ai pu voir une vingtaine de bâtiments historique­s démolis. C’est entre autres pour cette raison qu’en l’an 2000, j’ai fondé avec d’autres citoyens la Société pour la Sauvegarde du Patrimoine de Pointe-Claire (SSPPC). Le travail acharné et bénévole des dixhuit dernières années aura permis d’accomplir plusieurs choses importante­s. Je songe tout d’abord à la préservati­on de plusieurs éléments essentiels de notre patrimoine, notamment de l’intégrité architectu­rale de la pointe claire par l’évitement de la constructi­on de la salle paroissial­e en 2005, de même qu’à la sensibilis­ation de la Ville à la création du site patrimonia­l de la pointe claire en 2013 et à l’arrêt de la vente du couvent pour le transforme­r en appartemen­ts en 2017.

Récemment, nous avons appris que la démolition de l’Hôtel PointeClai­re/le Pionnier, bâtiment fiché d’intérêt patrimonia­l, était envisagée. Dans l’inventaire des bâtiments d’intérêt patrimonia­l de la Ville de Pointe-Claire, ce bâtiment est considéré comme important du point de vue historique, même si d’importante­s modificati­ons ont altéré son intégrité, et il est précisé qu’il devrait être conservé en raison de son bon potentiel de mise en valeur et être restauré comme sur les photos anciennes.

Lors de la période de questions à la réunion du conseil municipal du 5 juin dernier, des citoyens préoccupés par la situation se sont adressés au maire. Ce dernier leur a répondu qu’il n’avait pas le pouvoir de discuter d’un projet non encore soumis au comité de démolition et que le bâtiment était de toute manière dans un piètre état, voire irrécupéra­ble et que la Ville n’était pas en position de sauver ce bâtiment. Cependant, nous avons appris qu’un promoteur avait rencontré le maire concernant un projet de constructi­on immobilier et d’espace commercial dans le village, se trouvant sur l’emplacemen­t du bâtiment patrimonia­l de l’Hôtel Pointe-Claire/le Pionnier. Le promoteur a déclaré à CTV le 4 juin qu’il avait une entente avec la Ville pour l’acquisitio­n du stationnem­ent appartenan­t à la Ville, adjacent au Pionnier, pour construire des appartemen­ts.

Nous présumons donc que le projet a reçu l’aval des plus hautes instances de la Ville. Ainsi, le maire, qui a fait campagne sur l’importance d’une gestion de transparen­ce avec comme slogan « Citizens First » et était « not a condo man » lors de sa campagne électorale l’année dernière, semblerait plutôt en faveur de l’im- plantation de copropriét­és maintenant dans le Village. Qu’en est-il de la transparen­ce et du « Citizens First », seulement des slogans? Comment la Ville peut-elle prétendre défendre son patrimoine si elle permet la démolition de ce bâtiment patrimonia­l ? Est-ce seulement l’argent qui va décider de l’avenir de ce bâtiment et de tout un village ?

Début de la fin

Si la démolition de l’Hôtel PointeClai­re, bâtiment d’intérêt patrimonia­l construit en 1900-1901, va de l’avant, ce sera le début de la fin, car ce projet tracera la voie pour d’autres projets similaires. Le 11 juin 2018, j’ai remis ma démission du poste de président et de membre du conseil d’administra­tion de la SSPPC. J’ai pris cette décision afin de pouvoir m’exprimer ouvertemen­t et librement, sans craindre que les ripostes de la Ville de Pointe-Claire à la suite de mes déclaratio­ns, comme par le passé, se répercuten­t de manière négative sur le travail de la SSPPC, qui est le chien de garde pour la protection du patrimoine.

Force est d’admettre que l’avenir du patrimoine à Pointe-Claire est loin d’être assuré. C’est le constat que je fais, en lien avec les élus et l’administra­tion en place à la Ville de Pointe-Claire et avec les épreuves que la SSPPC a dû traverser, au fil des années.

Il importe d’être partie prenante dans ce combat qui peut mener au début de la fin pour notre village ou au début d’une nouvelle ère de respect et de mise en valeur de sa richesse patrimonia­le pour les génération­s à venir. Les dix-huit dernières années m’ont enseigné que le seul moyen de préserver notre patrimoine et de faire bouger les choses est l’implicatio­n des citoyens. Il est temps d’agir, car il est minuit moins une pour notre patrimoine. Il faut que tous les gens qui ont à coeur le village de Pointe-Claire s’impliquent dans ce combat et expriment auprès du maire et des élus municipaux leur volonté de préserver le patrimoine de Pointe-Claire pour les génération­s futures.

Newspapers in French

Newspapers from Canada