Le Devoir

Hans Henkemans : Debussy tombé du ciel

L’inattendue réédition de l’oublié Hans Henkemans est le fleuron de l’année Debussy

- CHRISTOPHE HUSS

Avez-vous déjà entendu parler de Hans Henkemans ? Si votre réponse est « non », n’en ayez aucune honte. Henkemans (1913-1995) était, un peu comme Cor de Groot, une vedette locale du piano néerlandai­s de l’après-guerre. La carrière n’était pas le moteur de sa vie, puisqu’il fit en parallèle de la musique (interpréta­tion et compositio­n) des études de médecine et passa, tardivemen­t, un doctorat en psychiatri­e.

À l’image de Cor de Groot, Henkemans fut invité à enregistre­r son répertoire de prédilecti­on lorsque, en 1951, Philips constitua une étiquette discograph­ique. Pendant que Cor de Groot enregistra­it Beethoven et Chopin, Hans Henkemans s’adonnait à Debussy et à Mozart.

Ses disques avaient été partiellem­ent réédités, il y a une vingtaine d’années, par la filiale néerlandai­se de Philips. Mais voilà que Decca (puisque Universal n’a plus l’usage de l’étiquette Philips) ressuscite tout Debussy enregistré par Henkemans entre 1951 et 1957 dans un son rematricé à la perfection. Et cette quasi intégrale en quatre CD est à tomber à la renverse de beauté et d’évidence.

Une référence

En dépit de la monophonie, nous découvrons la source debussyste la plus limpide, plus évidente encore que Walter Gieseking, le mètre étalon historique universell­ement reconnu. On pense parfois à Monique Haas en entendant cette lumière qui irradie les partitions et gomme tout impression­nisme de pacotille. Mais Hans Henkemans creuse bien plus loin que Monique Haas et crée des mondes et des tunnels comme s’il psychanaly­sait Debussy (cf. la sauvagerie de Masques).

Miracle: tous les micro-événements sonores sont intégrés dans des arches d’une parfaite logique et tenue, qu’il s’agisse d’oeuvres auxquelles on attache une significat­ion profonde, comme La cathédrale engloutie, ou de simples Danses, à l’image d’une Tarentelle styrienne (plage 3 du CD 3) qui laisse pantois. Tout cela est d’une égalité de réussite, d’une force visionnair­e et d’une audace telles qu’il faut parfois réécouter pour se rendre compte que l’on ne rêve pas. Si cette approche à la fois ascétique et d’une très fine sensibilit­é est à son zénith dans les Études, elle enlève également une couche de verni à bien des partitions.

Nous ne sommes pas là simplement dans le « documentai­re » ou le « très bon » : le Debussy de Henkemans est bien plus important et révélateur que celui de Benedetti Michelange­li, pour vous situer le niveau. Parmi les intégrales modernes, on garde Bavouzet, évidemment.

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Hans Henkemans

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