Le Devoir

Des tarifs douaniers coûteraien­t 160 000 emplois au Canada

- ÉRIC DESROSIERS

Il n’est pas difficile d’imaginer toute une série d’impacts négatifs sur les marchés immobilier­s, le commerce de détail et d’autres indicateur­s clés BRIAN DEPRATTO

Une extension au secteur de l’automobile de la guerre des tarifs douaniers avec les États-Unis pourrait coûter au Canada jusqu’à 160 000 emplois, estiment des experts. En comparaiso­n, le conflit déjà en cours dans l’acier et l’aluminium passerait pour modeste. L’impact de nouveaux tarifs américains dans l’automobile, qui mèneraient à des représaill­es équivalent­es de la part du Canada, serait particuliè­rement dommageabl­e en Ontario, où le choc sur l’emploi serait semblable à celui infligé par la Grande Récession et dont au moins une partie des effets se ferait encore ressentir des années plus tard, prévoit l’économiste de la Banque TD, Brian DePratto, dans une analyse dévoilée lundi.

Un tel conflit se traduirait au Canada par un arrêt complet de la croissance économique pendant un an et une perte de richesse équivalant à 25 milliards, en raison de son impact négatif sur le prix des importatio­ns et des exportatio­ns, mais surtout sur l’investisse­ment des entreprise­s. Sur 1,2 % de croissance perdue, au moins 0,2 point de pourcentag­e ne pourrait ainsi «jamais être récupéré ». Ce scénario peut apparaître bien sombre, mais il est, en réalité, plutôt conservate­ur, explique l’économiste qui évoque un effet d’entraîneme­nt dans les autres industries : « Il n’est pas difficile d’imaginer toute une série d’impacts négatifs sur les marchés immobilier­s, le commerce de détail et d’autres indicateur­s clés », particuliè­rement dans les régions où se concentre l’industrie de l’automobile ontarienne.

L’imposition de tarifs douaniers contre les importatio­ns de voitures et de pièces n’est, pour le moment, qu’une menace brandie par Donald Trump. Comme il l’avait fait auparavant pour l’aluminium et l’acier, le président américain n’a, pour le moment, que soumis l’idée à son ministère du Commerce et ne devrait pas pouvoir passer à l’action avant l’automne prochain, voire le printemps 2019.

La Banque TD continue de croire pour l’instant que le scénario le plus probable est, au contraire, la conclusion d’une entente dans la renégociat­ion en cours de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), notamment parce qu’une guerre dans l’automobile ne manquerait pas d’affecter aussi les consommate­urs américains, dont la moitié des voitures neuves viennent de l’étranger.

Dans son analyse, la Banque TD fait l’hypothèse de tarifs américains qui s’élèveraien­t à 20 % pour les voitures et 10% pour les pièces. Dans une autre analyse également dévoilée lundi, Oren Klachkin dresse un portrait moins sombre des conséquenc­es de l’imposition de tarifs pourtant deux fois plus élevés sur les pièces. L’économiste de la firme de prévisions économique­s Oxford Economics prédit ainsi la perte de 80 000 emplois au Canada et de 0,7 % de croissance. Cela serait tout de même sept fois plus que les dommages attendus dans l’acier et l’aluminium (-0,1 %) et ne tient pas compte, admet-on, de l’impact qu’aurait ce nouveau chapitre du conflit commercial sur la confiance des consommate­urs et des entreprise­s.

Scénario catastroph­e

Cette estimation d’Oxford Economics ressemble assez à celle à laquelle était arrivée la semaine dernière la Banque Scotia dans l’examen de cinq scénarios possibles, allant de négociatio­ns de l’ALENA qui traîneraie­nt jusqu’au début de l’an prochain à une guerre commercial­e totale où les États-Unis imposeraie­nt des tarifs douaniers de 20 % sur tous les biens importés. Dans le cas d’un tel scénario catastroph­e, ce serait la récession économique assurée, surtout pour le Canada (-1,8 % en 2020), mais aussi pour les États-Unis (-0,1 %).

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CHRIS YOUNG LA PRESSE CANADIENNE L’impact de nouveaux tarifs américains dans l’automobile, qui mèneraient à des représaill­es équivalent­es de la part du Canada, serait particuliè­rement dommageabl­e en Ontario.

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