Le Devoir

Quatre enjeux pour le futur président Iván Duque

Le dauphin d’Álvaro Uribe sera-t-il fidèle aux principes de son mentor ?

- HECTOR VELASCO À BOGOTÁ AGENCE FRANCE-PRESSE

Largement élu dimanche en Colombie, le futur président Iván Duque va pouvoir gouverner à son aise un pays polarisé par un accord de paix historique avec l’ex-guérilla des FARC, menacé par le trafic de drogue et sous tension avec le Venezuela, son voisin.

À partir du 7 août, lorsqu’il prendra ses fonctions, Iván Duque sera confronté à ces défis, après huit ans d’une farouche opposition au président et Prix Nobel de la paix Juan Manuel Santos.

À l’issue de sa nette victoire au second tour, avec 53,98 % des voix face au candidat de gauche Gustavo Petro, Iván Duque a réitéré sa promesse électorale : réviser, sans le « déchiquete­r », l’accord qui a clos plus d’un demi-siècle d’affronteme­nts avec les FARC.

À peine élu, Iván Duque a promis qu’il ferait des « correction­s », sans donner de détails. Pendant la campagne, il a assuré que les ex-chefs guérillero­s accusés de crimes graves les paieraient d’un minimum de prison et seraient interdits de siéger au Parlement. « Une chose est le discours en campagne pour gagner, une autre quand on est en exercice. Je crois qu’il serait très coûteux de faire marche arrière » sur l’accord, a déclaré à l’AFP Fabian Acuña, de l’Université Javeriana.

Le parti FARC, qui a écarté le retour aux armes, a appelé M. Duque au « bon sens » et à discuter d’éventuels changement­s. Pour le moment, il se montre disposé à respecter l’accord pour la réinsertio­n sociale et économique des guérillero­s de base.

Dans l’ombre d’Uribe

La question a été souvent posée : Iván Duque sera-t-il une « marionnett­e » d’Álvaro Uribe ? Sera-t-il indépendan­t, mais fidèle aux postulats uribistes, ou « trahira-t-il » son mentor ?

« Duque a tout gagné en faisant ce que lui dit Uribe, donc le fantôme d’Uribe est réel », estime M. Acuña.

Depuis son accession au pouvoir en 2002, Álvaro Uribe est omniprésen­t dans la vie politique. « C’est la personnali­té politique la plus importante du XXIe siècle en Colombie », explique le chercheur Nicolas Liendo.

Bientôt, son dauphin va diriger la 4e économie d’Amérique latine avec les principes qui l’ont rendu si populaire : main ferme envers les guérillas, investisse­ments privés et défense des valeurs traditionn­elles. De surcroît, Álvaro Uribe dirigera au Sénat le groupe du Centre démocratiq­ue, son parti.

Le premier producteur mondial de cocaïne connaît une hausse des plantation­s illicites, dénoncée par Washington, son allié traditionn­el et principal marché de la drogue colombienn­e. Iván Duque, qui souhaite une bonne relation avec l’imprévisib­le Donald Trump, propose de réactiver les aspersions aériennes d’herbicide, ce qui devrait provoquer des tensions avec les cultivateu­rs.

Il entend lutter contre le narcotrafi­c, au moment où les mafias mexicaines financent des dissidents des FARC dans les anciens fiefs de l’ex-guérilla aux frontières avec l’Équateur et le Venezuela.

Contre Nicolás Maduro

Opposant déclaré du président vénézuélie­n, Nicolás Maduro, M. Duque veut mener la pression internatio­nale contre la « dictature » dirigée par un « génocidair­e ». « En fonction du discours de campagne, on peut penser que la relation avec le Venezuela va être terrible », selon M. Acuña.

Bien qu’il n’ait pas détaillé son programme diplomatiq­ue, il a menacé de dénoncer Nicolás Maduro devant la Cour pénale internatio­nale, avec d’autres pays, et de forcer une « transition » vers la démocratie avec l’aide de l’Organisati­on des États américains.

Partageant avec le Venezuela une frontière de 2200 km, la Colombie est confrontée à un afflux sans précédent de migrants fuyant la crise dans le pays voisin. Plus d’un million de personnes sont entrées en Colombie au cours des 16 derniers mois.

Newspapers in French

Newspapers from Canada