Montréal va de l’avant avec sa poursuite
qu’on juge la validité de la Loi ? C’est certain que les juges ne vont pas se dépêcher de rendre des décisions en sachant qu’il y a une contestation constitutionnelle », indique Frédéric Bérard, docteur en droit constitutionnel et chercheur au Centre de droit public de l’Université de Montréal.
La Ville de Montréal, qui a déposé la semaine dernière une poursuite civile contre six individus, parmi lesquels les anciens élus Frank Zampino et Cosmo Maciocia, pour un montant total de 4,5 millions, compte aller de l’avant malgré la contestation en cours.
«Les procédures seront instituées même si des dispositions de la loi 26 font l’objet de contestations dans une instance autre, impliquant d’autres parties, car nous sommes très confiants dans la validité de la loi et c’est pour cette raison que nous entreprenons ces démarches », indique Gonzalo Nunez, porte-parole de la Ville de Montréal.
Les chartes permettent au législateur une certaine flexibilité, mais il ne faut pas que ça devienne abusif ou déraisonnable, et c’est là que le débat va avoir lieu. Ils sont sur la ligne à plusieurs niveaux FRÉDÉRIC BÉRARD
Impartialité compromise
Selon M. Accurso, la loi du gouvernement du Québec compromet l’égalité et l’impartialité de l’audition à venir puisqu’on part de la prémisse que la faute a été commise.
« Ces dispositions imposent un fardeau de preuve quasi insurmontable aux défendeurs », fait-il valoir dans un avis au Procureur général du Québec.
Il s’attaque également à la prolongation du délai de prescription pour qu’une ville entreprenne un recours, qui est passé de trois à vingt ans.
Une disposition « totalement déraisonnable», selon M. Accurso, qui estime qu’elle met en jeu «des périodes pour lesquelles les témoins ou les éléments de preuve requis risquent fort d’être indisponibles, compromis ou détruits ».
M. Accurso conteste également l’imposition de la pénalité financière, qui lui serait imposée si le tribunal donne raison à la Ville.
Au total, M. Accurso veut faire déclarer inopérantes, inapplicables et invalides huit dispositions de cette loi.
Cette démarche est complètement distincte de son procès criminel, même si plusieurs des éléments reprochés à M. Accurso sont identiques dans les deux recours. Rappelons par ailleurs qu’au civil, le plaignant peut obtenir un dédommagement pour un préjudice. Au criminel, c’est plutôt le ministère public qui dépose des accusations dans le but de faire condamner l’accusé.
L’idée de contester la Loi n’est pas dénuée de sens, selon Me Bérard.
« Les chartes permettent au législateur une certaine flexibilité, mais il ne faut pas que ça devienne abusif ou déraisonnable, et c’est là que le débat va avoir lieu. Ils sont sur la ligne à plusieurs niveaux. Est-ce que c’est abusif à 100 %, je ne le crois pas, mais est-ce qu’il y a des volets qui sont un peu fatigants ? Je pense que oui, et puis c’est là que ça va revenir à l’appréciation du juge qui devra trancher sur cette question », souligne-t-il.
Le ministère de la Justice n’a pas souhaité commenter le dossier, puisque celui-ci se trouve devant les tribunaux. Aucune date n’a été fixée pour le moment au dossier.
La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, n’a pas non plus donné suite à notre demande d’entrevue. Les avocats de M. Accurso, Me Paul Ryan et Me Emmanuelle Campeau, n’ont pas non plus souhaité commenter la contestation de leur client.
Mise sur pied dans la foulée de la commission Charbonneau, la Loi a d’abord permis aux entreprises qui ont pris part à un stratagème frauduleux pour l’obtention de contrats publics de rembourser l’argent de la collusion en adhérant au Programme de remboursement volontaire. Les participants au programme s’évitaient ainsi d’éventuelles poursuites au civil.
D’ailleurs, Québec a annoncé la semaine dernière avoir récupéré 94,7 millions auprès d’entreprises frauduleuses, dont près de 30 millions en remboursement de sommes payées en trop par Laval.
M. Accurso, ses compagnies Louisbourg, Simard-Beaudry et Ciments Lavallée ainsi que ses trois bras droits n’ont cependant pas participé au programme. Puisque la Loi permet à tous les organismes publics de conserver tous leurs recours contre ceux et celles qui n’ont pas adhéré au programme, la Ville de Laval est allée de l’avant avec ses démarches judiciaires en décembre 2016.