Le Devoir

Philo et magot

Denys Arcand offre un film intelligen­t et divertissa­nt avec La chute de l’empire américain

- FRANÇOIS LÉVESQUE

La chute de l’empire américain

½

Comédie dramatique de Denys Arcand. Avec Alexandre Landry, Maripier Morin, Rémy Girard, Florence Longpré, Patrick Abellard, Eddy King, Pierre Curzi, Maxim Roy, Louis Morissette, Vincent Leclerc. Québec, 2018, minutes. Témoin d’un braquage raté, PierrePaul, un docteur en philosophi­e qui gagne sa vie comme coursier, se retrouve avec deux sacs pleins d’argent. Tiraillé entre sa nature altruiste et son désir de profiter de l’existence, il trouvera en une escorte de haut vol et un ancien motard réhabilité deux alliés inattendus. Au vu de son affiche (une statue de la Liberté armée d’une mitraillet­te et dont la torche fait flamber des billets verts), on craignait le pire pour le nouveau film de Denys Arcand. Or, La chute de l’empire américain se révèle un beau cru.

Surtout, cette comédie dramatique, ou drame comique, selon la sensibilit­é de chacun, exsude un réel bonheur de raconter et de transmettr­e de la part du cinéaste.

Raconter une histoire bien ficelée, fertile en rebondisse­ments et en réparties spirituell­es. Transmettr­e, aussi, un savoir, des connaissan­ces, sur le fonctionne­ment du capitalism­e, sur ses turpitudes et ses conséquenc­es sur l’humain, fût-il membre d’un gang de rue par désoeuvrem­ent (Patrick Abellard, très juste), policier (Maxim Roy et Louis Morissette, solides), financier (Pierre Curzi, suave), caissière (Florence Longpré, remarquabl­e), sans-abri (Vincent Leclerc, touchant), prostituée (Maripier Morin, parfaite), ex-détenu (Rémy Girard, impec)… ou livreur adepte de Spinoza (Alexandre Landry, merveilleu­x).

Chimie délicieuse

Énergique, la réalisatio­n maintient un rythme tendu qui se relâche, ici le temps d’un interlude amoureux sur le mont Royal, là à cause d’un montage incisif sur le fonctionne­ment des paradis fiscaux.

Quant au trio dépareillé « LandryMori­n-Girard », il affiche une chimie délicieuse. Les nuances sensibles du premier, la confiance tranquille de la seconde et l’aisance experte du troisième se mettent mutuelleme­nt en valeur.

D’une érudition tour à tour hilarante et fascinante, les dialogues se font parfois didactique­s. Bémol aussi lors du dénouement, qui s’étire, quoique la finale proprement dite émeuve, à l’instar de la poignée de plans qui closent le film.

À terme, Denys Arcand offre un portrait de société rendant compte d’une curiosité et d’un humanisme renouvelés. Un beau cru, oui.

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CC FILMS SÉVILLE Rémy Girard dans le rôle d’un ancien comptable du crime organisé

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