Le Devoir

Le mystère plane sur la grève des grutiers

Philippe Couillard leur enjoint de retourner au travail rapidement

- LIA LÉVESQUE

Impossible de savoir si la grève des grutiers se poursuivra mercredi. Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, a dit leur «enjoindre de retourner au travail le plus rapidement possible ».

« C’est dans leur intérêt. On peut très bien discuter avec eux, surtout s’ils pensent qu’il y a des enjeux de sécurité. Moi, ça m’intéresse d’en savoir plus. Mais avant tout, il faut mettre fin à la grève illégale, je le répète, il y a des conséquenc­es à ça », a dit le premier ministre en mêlée de presse, mardi. Questionné sur la possibilit­é d’une loi spéciale, M. Couillard a répondu que ce ne serait « probableme­nt pas nécessaire », et que la Commission de la constructi­on du Québec «dispose de pouvoirs importants pour agir ».

« Pas de commentair­es »

Les grutiers en grève, qui s’étaient réunis dès 5 h du matin mardi et qui sont sortis de leur réunion juste avant midi, n’ont pas voulu dire si leur grève se poursuivra­it ni de quoi ils avaient discuté.

Il faut dire que comme leur grève est considérée comme illégale par la Commission de la constructi­on du Québec et que celle-ci doit démontrer que les moyens de pression sont « concertés », toute déclaratio­n de la part des grutiers peut alimenter l’enquête en faisant référence à une entente entre eux, une concertati­on. Au sortir de la réunion, ils ont donc tous répondu par un « pas de commentair­es » poli quand on leur demandait si la grève se poursuivra­it.

Le directeur de l’Union des opérateurs grutiers, soit la section locale 791G de la FTQ-Construcit­on, Evans Dupuis, a tout au plus rapporté qu’ils étaient autour de « 200-300 » dans la salle. Mais lui non plus n’a pas voulu dire de quoi ils avaient discuté pendant si longtemps. Les médias n’ont pas pu entrer dans le centre des banquets où se tenait la réunion, dans le quartier SaintLéona­rd à Montréal.

Une vingtaine ou une trentaine de grutiers se tenaient à l’extérieur du centre des banquets pour fumer ou prendre l’air, à différents moments au cours de l’assemblée. La Presse canadienne a pu parler à une demi-douzaine d’entre eux — bien qu’aucun n’ait voulu être nommé. Leur mécontente­ment est palpable à la suite des modificati­ons qui ont été apportées à la formation des grutiers. Ce n’est pas seulement la direction du syndicat qui est en colère et qui les enflamme.

Les grutiers interrogés disent craindre pour leur sécurité et celle du public. Ils affirment que les grutiers doivent recevoir « une solide formation générale » — qu’eux ont suivie — et qu’une formation en entreprise n’est pas suffisante pour un métier qui exige de déplacer des tonnes de matériaux ou des nacelles portant d’autres ouvriers de la constructi­on, qui doivent être amenés à 200 pieds de hauteur, dans des conditions parfois difficiles, au-dessus de l’eau ou en milieu densément peuplé, par exemple.

«S’il veut qu’on rentre, le gouverneme­nt, qu’il nous parle», s’est exclamé l’un d’eux. «Ce n’est pas vrai que c’est parce qu’on veut faire du temps double » en limitant l’accès au métier à de nouveaux grutiers qui n’auront pas à obtenir un diplôme d’études profession­nelles en conduite de grues, s’est exclamé un autre.

Ils soutiennen­t que les fameux « camions flèche» ou « boom trucks », qui sont particuliè­rement visés par la nouvelle réglementa­tion, sont même plus dangereux que les plus grandes grues, notamment « à cause de l’empattemen­t et de la longueur de la flèche », qui les rendent moins stables. Ils affirment également qu’une partie de la réglementa­tion ne s’appliquera pas seulement en cas de pénurie de main-d’oeuvre, soit la possibilit­é pour un ouvrier dans un autre métier de la constructi­on d’obtenir une carte d’apprenti pour devenir grutier sans avoir suivi la formation de grutier.

Les moyens de pression ont débuté jeudi dernier au chantier du nouveau pont Champlain entre Montréal et la Rive-Sud. Lundi, la grève s’est généralisé­e à plusieurs chantiers du Québec.

La Commission de la constructi­on du Québec a fait savoir qu’elle avait lancé des enquêtes, tant pour cette grève qu’elle considère comme illégale que pour des cas d’intimidati­on. Des ouvriers ont en effet affirmé qu’ils étaient rentrés au travail, lundi, mais qu’ils avaient été fortement incités à quitter le chantier. Une grève serait illégale parce que la convention collective qui lie les associatio­ns patronales et les syndicats est en vigueur jusqu’en 2021.

Les grutiers interrogés disent craindre pour leur sécurité et celle du public

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Les moyens de pression ont débuté jeudi dernier au chantier du nouveau pont Champlain entre Montréal et la Rive-Sud. Lundi, la grève s’est généralisé­e à plusieurs chantiers du Québec.

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