Le Devoir

Livraison pétrolière canadienne : deux rapports contradict­oires

- GÉRARD BÉRUBÉ

Deux rapports déposés en une semaine ne s’entendent pas sur la capacité de l’Ouest canadien à livrer son pétrole. L’un dénonce un « déficit de productivi­té » et l’autre anticipe un excédent de capacité dès 2022.

La plus récente projection vient de l’Institut canadien de recherche énergétiqu­e (ICRE). Selon les conclusion­s d’une étude réalisée à partir d’un algorithme financier, l’Institut prévoit que le surplus de production pétrolière sur la capacité de transport se renversera au tournant de 2021 pour se transforme­r en capacité excédentai­re durant la période 2022-2030. Il table sur l’ouverture de la canalisati­on 3 d’Enbridge et sur l’expansion de Trans Mountain dans environ deux ans, après sa vente au gouverneme­nt fédéral, puis celle du pipeline Keystone XL environ un an plus tard.

Ces nouvelles infrastruc­tures en transport, combinées à un renforceme­nt des cours pétroliers, justifiera­ient alors que la production canadienne passe à 7,2 millions de barils par jour d’ici 2038, contre 4,2 millions l’an dernier. La hausse viendrait essentiell­ement des sables bitumineux, qui atteindrai­ent alors une production de 5,5 millions de barils par jour, plus du double des 2,65 millions présenteme­nt pompés. L’ICRE voit le prix de référence revenir au-dessus des 100 $US le baril d’ici 2030.

Le 13 juin, l’Associatio­n canadienne des producteur­s pétroliers (ACPP) publiait les résultats d’un sondage faisant ressortir un « déficit de productivi­té » et mettant en exergue l’incertitud­e de ses membres quant aux projets d’infrastruc­tures cités précédemme­nt. L’associatio­n représenta­nt l’industrie en amont s’inquiétait de voir que la production pétrolière du Canada avait dépassé sa capacité de transport en 2017 et craignait une paralysie des investisse­ments alors que, plus au sud, on joue à fond la carte du schiste et du gaz naturel liquéfié. «Les dépenses en immobilisa­tions aux États-Unis ont augmenté de 38% pour atteindre 120 milliards en 2017, tandis que celles au Canada ont chuté à 45 milliards […] Les États-Unis augmentent leurs exportatio­ns vers les mêmes marchés émergents que ceux ciblés par le Canada», s’indignait le président de l’ACPP.

Dans la foulée, les prévisions de l’ACPP se voulaient plus faibles avec une production attendue de 5,6 millions de barils par jour en 2035, dont 4,2 millions provenant des sables de l’Ouest.

L’ICRE se fait toutefois plus sombre en anticipant un recul de la production du gaz naturel, consacrant l’avancée du gaz de schiste américain sur les marchés traditionn­els canadiens. Environ 14 installati­ons de traitement de gaz naturel liquéfié ont été proposées pour la côte ouest, mais la constructi­on d’aucune d’entre elles n’a encore débuté, a-t-il souligné.

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