Le Devoir

Migrants : devant le tollé général, les États-Unis cessent d’enlever les enfants à leurs parents

Un décret présidenti­el autorisera désormais la détention des parents et de leurs enfants ensemble

- JÉRÔME CARTILLIER CYRIL JULIEN

Dans un spectacula­ire retourneme­nt, Donald Trump a annoncé mercredi qu’il mettait fin aux séparation­s des familles de migrants arrivées illégaleme­nt aux États-Unis, qui ont provoqué une vague d’indignatio­n mondiale et un véritable malaise au sein de son parti.

Depuis l’annonce début mai d’une « tolérance zéro » du gouverneme­nt sur l’immigratio­n illégale, plus de 2300 enfants et jeunes migrants ont été séparés de leur famille, après leur arrestatio­n à la frontière, fuyant pour la plupart la violence qui ronge l’Amérique centrale.

«Cela me tient particuliè­rement à coeur […] Nous n’aimons pas voir des familles séparées », a affirmé le président américain en signant le décret dans le Bureau ovale.

Volte-face

« Nous allons avoir des frontières très fortes, mais nous allons garder les familles ensemble », a encore dit celui qui a lui-même décrété début mai une « tolérance zéro » sur l’immigratio­n illégale qui s’est traduite par la séparation des familles.

Le décret autorise la détention des parents et de leurs enfants ensemble sans limite de durée.

Cette volte-face a créé la surprise à Washington et à travers le pays : depuis plusieurs jours, la Maison-Blanche répétait qu’elle ne faisait qu’appliquer la loi et que seule une modificati­on de cette dernière par le Congrès permettrai­t de mettre fin aux séparation­s si critiquées.

«Le président s’accorde le mérite d’avoir héroïqueme­nt résolu la crise scandaleus­e créée de toutes pièces par sa propre politique », a ironisé David Axelrod, ancien proche conseiller de Barack Obama.

L’associatio­n de défense des droits civiques ACLU a déploré que cette crise ait causé « des dégâts irréparabl­es pour des milliers de familles de migrants ». Elle a par ailleurs jugé que le décret annoncé allait remplacer une crise par une autre : « Les enfants n’ont pas leur place en prison », a-t-elle martelé.

M. Trump, qui a une nouvelle fois appelé le Congrès à se saisir du dossier de l’immigratio­n, a reconnu que sa femme, Melania, et sa fille Ivanka avaient pesé sur cette décision, soulignant que le sujet leur tenait particuliè­rement à coeur.

« Merci, président, d’avoir pris cette décision cruciale pour mettre fin aux séparation­s des familles à la frontière », a tweeté cette dernière quelques minutes après la signature.

En signant son décret, Donald Trump ôte l’« urgence » avec laquelle les parlementa­ires sentaient encore ce matin

qu’ils devaient agir, a reconnu le sénateur républicai­n Marco Rubio, tout en poussant pour qu’une loi soit tout de même approuvée afin de graver dans le marbre législatif la volonté de ne pas séparer les familles.

Le parcours parlementa­ire s’annonce toutefois ardu, malgré la majorité républicai­ne au Congrès.

Dans une certaine confusion, le chef de file des républicai­ns à la Chambre des représenta­nts, Paul Ryan, avait an- noncé quelques heures plus tôt qu’il soumettrai­t au vote jeudi un projet de loi afin d’empêcher ces séparation­s.

Mais il n’est pas encore certain qu’il parvienne à rallier toutes ses troupes autour d’un texte qui devrait inclure également d’autres volets sur l’immigratio­n crispant ses ailes dures comme modérées (statut des « Dreamers », nette réduction de l’immigratio­n légale).

Les démocrates, eux, ont déjà dit qu’ils ne voteraient pas pour cette loi. Et même si elle passe la Chambre basse, son approbatio­n est largement compromise au Sénat, où les républicai­ns disposent d’une très faible marge (51-49).

Scandale

Les images de ces milliers d’enfants en pleurs arrêtés puis placés dans des centres, divisés en cages grillagées ou dans des camps faits de tentes, ont fait scandale.

À New York, une chaîne de télévision a diffusé mercredi des images de cinq fillettes accompagné­es d’adultes, parlant espagnol, marchant en pleine nuit vers un centre d’accueil du quartier de Harlem, suggérant que ces enfants sont placés incognito.

« La dignité de la personne ne dépend pas de son statut de citoyen, de migrant ou de réfugié. Sauver la vie de qui s’échappe de la guerre et de la misère est un acte d’humanité », a également assuré le pape François sur Twitter.

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