Le Devoir

Québec ne signe plus de chèque en blanc à l’OIF

Christine St-Pierre maintient néanmoins son appui à la secrétaire générale Michaëlle Jean

- MARCO BÉLAIR-CIRINO CORRESPOND­ANT PARLEMENTA­IRE À QUÉBEC LE DEVOIR

Après la mise au jour de dépenses jugées excessives, le Québec pose des conditions à l’Organisati­on internatio­nale de la Francophon­ie (OIF) quant à l’utilisatio­n d’une partie de sa contributi­on.

La ministre des Relations internatio­nales Christine St-Pierre expliquera de vive voix jeudi à la secrétaire générale de la Francophon­ie, Michaëlle Jean, la décision du gouverneme­nt québécois de « préciser de façon plus explicite ses attentes relativeme­nt à l’utilisatio­n des sommes qu’il verse à l’Organisati­on en qualité de contributi­on volontaire ».

Il y aura un « montant d’argent sur lequel on va avoir le plein contrôle », résume-t-elle dans un entretien téléphoniq­ue avec Le Devoir mercredi.

Le Québec dicterait à l’OIF de l’allouer à des programmes voués à intensifie­r la lutte contre les changement­s climatique­s, à accélérer l’atteinte de l’égalité femmes-hommes ou encore à favoriser l’entreprene­uriat chez les femmes, illustre-t-elle.

D’autre part, Mme St-Pierre demande officielle­ment à Mme Jean — dont elle appuie le renouvelle­ment du mandat à la tête de l’OIF — de prendre « des engagement­s concrets en matière d’administra­tion rigoureuse et transparen­te des ressources » de l’organisati­on internatio­nale. Qui plus est, elle invite les autres États et gouverneme­nts membres à en faire autant.

« Les pays membres doivent exiger davantage de transparen­ce. Et c’est le message qu’on va envoyer au prochain sommet [à Erevan, en Arménie, les 11 et 12 octobre] », indique-t-elle.

Changement d’époque

Rénovation­s de l’appartemen­t de la secrétaire générale (500 000$), achat d’un piano à queue (20 000 $), séjour de membres de l’OIF au chic hôtel Waldorf Astoria de New York (50 000 $), croisière d’une centaine de jeunes sur le trois-mâts L’Hermione (1 million), budget déficitair­e : la SG s’est retrouvée sur la sellette à plus d’une reprise au fil de son premier mandat. Mais Mme St-Pierre refuse de voir l’ex-gouverneur­e générale du Canada porter seule le « blâme » pour ces dépenses jugées par plusieurs excessives.

«Est-ce qu’on posait ces questions-là à ses prédécesse­urs ? Est-ce qu’on se questionna­it sur les chambres d’hôtel de ses prédécesse­urs ? La réponse, c’est non, lance-t-elle au téléphone. Le monde a changé. Les contribuab­les sont beaucoup plus exigeants. Les contribuab­les veulent savoir où va leur argent. »

La chef de la diplomatie québécoise n’est pas prête pour autant à qualifier, comme l’a fait Mme Jean, de « campagne de salissage » la couverture médiatique dont la SG a été l’objet. « Je n’irai pas jusque-là. Je ne critique pas le travail des journalist­es. »

Michaëlle Jean navigue en eaux troubles, la France ayant promis d’appuyer la candidatur­e de la ministre rwandaise Louise Mushikiwab­o. D’ici le Sommet d’Everan, le Québec fera campagne en coulisses pour elle.

« C’est évident qu’il y a un jeu diplomatiq­ue à faire, dit Mme St-Pierre. Ça ne se fait pas dans un climat acariâtre du tout. Ça se fait très poliment. »

La perspectiv­e de confier les commandes de l’OIF — qui est vouée à la fois à « la promotion de la démocratie et de la langue française», souligne Mme St-Pierre — à un représenta­nt du Rwanda n’enchante pas Québec. Le dirigeant rwandais, Paul Kagame, est accusé par l’ONU ainsi que des organisati­ons de défense des droits de la personne de mener une répression féroce contre toute voix dissidente, selon RFI Afrique.

« À ma connaissan­ce, le Rwanda n’a pas le français comme langue officielle. C’est sa troisième langue», ajoute l’élue québécoise.

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SEAN KILPATRICK LA PRESSE CANADIENNE Michaëlle Jean s’est retrouvée sur la sellette à plus d’une reprise au fil de son premier mandat en raison de dépenses jugées par plusieurs excessives.

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