Les chantiers du nouveau p.-d.g. Jean-Louis Roy
Le nouveau p.-d.g. de BAnQ entend solliciter le privé pour la bibliothèque Saint-Sulpice
Le nouveau patron de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) se dit favorable à l’idée de solliciter des partenaires privés pour soutenir certains projets liés à la bibliothèque SaintSulpice. Mais pas question de partenariats qui toucheraient aux missions fondamentales de BAnQ , indique Jean-Louis Roy.
« Coca-Cola ne financera pas les archives du Québec », a notamment indiqué M. Roy lors d’une longue entrevue accordée au Devoir cette semaine. « Est-ce qu’il y a des éléments du mandat de base qui peuvent être commandités ? Pour l’instant, ma réponse est non. Mais pour des activités hors mandat de base, on l’a déjà fait [avec la Banque Nationale, notamment], alors ce serait bête de dire qu’on ne le fera jamais. »
Ainsi pour la bibliothèque Saint-Sulpice, un des principaux chantiers sur la table du nouveau président-directeur général de BAnQ. « Je ne vois pas pourquoi on exclurait certains commanditaires pour certains types d’activités particulières, dit M. Roy. Les universités le font, beaucoup de gens le font. »
Le projet de réhabilitation de ce joyau patrimonial de la rue Saint-Denis est évalué à 24 millions, dont 21 millions seront fournis par Québec et Montréal. Les trois millions manquants devraient « être rassemblés par la Fondation de BAnQ d’ici dix-huit mois », réitère Jean-Louis Roy.
Mais comment seront financées les activités de ce qui sera une bibliothèque pour adolescents et un laboratoire de création technologique demeure un mystère, reconnaît-il. « C’est l’une des deux ou trois plus importantes questions que se posent les gens qui travaillent sur ce dossier: comment on finance [les activités] ? La première année, le financement est acquis. [Pour la suite], on a deux ans pour en débattre. »
Pas d’écho
À peine entré en fonction — il en est à sa troisième semaine à BAnQ —, M. Roy a dit n’avoir perçu « aucun impact » de la controverse ayant entouré sa nomination.
Le Devoir avait révélé le 23 mai que le choix de Jean-Louis Roy n’était pas celui du conseil d’administration de BAnQ : c’est le gouvernement Couillard qui a imposé le nom de l’ancien directeur du Devoir. La Loi sur BAnQ indique que la nomination du p.-d.g. « est faite sur la recommandation du conseil d’administration », mais il est prévu que le gouvernement peut agir seul si le C.A. ne peut recommander quelqu’un dans un «délai raisonnable ». Ce qui était le cas, selon Québec — le poste de p.-d.g. était vacant depuis avril 2017.
Le président du C.A., Martin Carrier, a démissionné de son poste quelques jours plus tard. « Il a vraiment failli à la tâche », avait alors commenté la ministre de la Culture, Marie Montpetit.
« C’est une affaire qui s’est développée avant que je sois là, indique Jean- Louis Roy. Je n’étais dans ce jeu-là d’aucune manière, et ça n’a pas eu d’impact depuis.» Il fait valoir que « personne n’a démissionné à part le président ».
Les défis
Depuis son arrivée, M. Roy dit s’être attelé à rencontrer les employés et à prendre contact avec les directions de la douzaine d’établissements du réseau. Il est aussi allé participer à des opérations de numérisation à Rosemont–La Petite-Patrie. « J’ai trouvé un attachement rare [des employés] envers l’institution », soutient-il.
Mais dans quel état général JeanLouis Roy a-t-il trouvé BAnQ ? Parce que si centrale soit-elle dans le paysage culturel québécois, l’institution a subi des coupes importantes depuis cinq ans. Entre mars 2014 et 2018, les effectifs sont passés de 747 personnes à 696.
Durant la même période, les crédits de fonctionnement alloués par le gouvernement du Québec sont passés de 50,4 millions à 45,6 millions (une baisse de près de 10 %). L’injection de fonds dans le dernier budget Leitão — 2,8 millions — ne suffira pas à combler le fossé. L’argent a toutefois permis d’effacer le déficit 20172018, et il reste 800 000 $ pour « réaliser divers projets ».
M. Roy met pour sa part l’accent sur le fait que le « budget est équilibré ». Partant de là, « le problème que toutes les institutions comme la nôtre ont, c’est de réussir à convaincre le Conseil du trésor de payer les coûts de système, que l’on puisse maintenir l’ensemble de nos activités sans les diminuer à cause des coûts de système qui ne se-
On va connecter cette bibliothèque aux écoles du Québec. La Grande Bibliothèque va devenir la bibliothèque de chaque école de Montréal, et ensuite on verra pour le Québec.
JEAN-LOUIS ROY
raient pas inclus. Ce sera certainement une dimension importante de notre démarche quand on va les rencontrer », dit-il.
Dans son bureau du 4e étage de la Grande Bibliothèque, Jean-Louis Roy énumère les principaux défis qu’il entrevoit: d’abord, poursuivre le «passage vers la civilisation numérique ». «Ce n’est pas simplement un ajout technologique. On entre dans une autre logique de production et de diffusion culturelle [partout dans le monde], c’est immense. »
Déjà, relève-t-il, « 75 % des emprunts dans les bibliothèques sont des emprunts de produits numériques ». Plus largement, M. Roy soutient que « si on veut occuper une place dans ce monde, il faut accélérer la numérisation et la fédérer avec les francophones — ceux qui sont prêts à travailler dans ce domaine et à placer dans les réservoirs du savoir humain une offre qui a du sens par son volume et sa qualité ».
Deuxième grand axe : « On va connecter cette bibliothèque aux écoles du Québec », dit-il. « La Grande Bibliothèque va devenir la bibliothèque de chaque école de Montréal, et ensuite on verra pour le Québec, souhaite M. Roy. Si on ne le fait pas, il y a des privés qui vont proposer des bibliothèques numériques pour les écoles. »