Le Devoir

Ottawa et Québec se préparent en vue de turbulence­s liées à Trump

- GÉRARD BÉRUBÉ JESSICA NADEAU

Ottawa et Québec passent de l’attente à la défense. La multiplica­tion des attaques commercial­es du gouverneme­nt Trump appelle à des manoeuvres budgétaire­s.

De passage au Conseil des relations internatio­nales de Montréal (CORIM), le premier ministre Philippe Couillard est revenu sur le retour du Québec à l’équilibre budgétaire. « Ça a pris de la déterminat­ion, cette déterminat­ion a permis de rétablir la santé financière du Québec. Tellement qu’on dispose maintenant d’une réserve budgétaire permettant de faire face à des chocs économique­s.» En référence aux multiples attaques tarifaires américaine­s et à cette renégociat­ion de l’ALENA qui s’enlise dans la durée, il a jouté devant l’auditoire de quelque 500 personnes qu’« on pensait qu’ils étaient lointains, les chocs économique­s, mais l’actualité des dernières semaines permet de craindre qu’elles ne se rapprochen­t. »

« On a déjà des manifestat­ions d’entreprise­s qui nous disent retarder ou modifier leurs intentions d’investisse­ment. Ce n’est pas une théorie. C’est quelque chose qui est en train d’arriver. Ça ne paraît pas encore dans les chiffres. Ces chiffres sont toujours décalés dans le temps. Mais c’est quelque chose qu’on perçoit très bien actuelleme­nt sur le terrain », a-t-il ajouté en mêlée de presse.

Dans une présentati­on distincte, le premier ministre a dressé une longue liste des actions protection­nistes américaine­s touchant le Québec. « Il y a eu le bois d’oeuvre. Il y a eu le papier journal. Il y a eu l’assaut de Boeing contre Bombardier. Il y a l’incertitud­e entourant le renouvelle­ment de l’ALENA. Il y a la gestion de l’offre. Maintenant, ce sont des tarifs de 20 % sur l’acier et de 10 % sur l’aluminium. » Pour ensuite ajouter que le Conseil des ministres vient de tenir une séance extraordin­aire avec les leaders syndicaux et patronaux pour discuter « des gestes à poser dans ces circonstan­ces extraordin­aires ».

Rencontre ministérie­lle

Peu avant, un texte de La Presse canadienne évoquait une rencontre, vendredi, entre le ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, et des économiste­s du secteur privé. Une consultati­on inhabituel­le qui s’ajoute aux deux réunions semestriel­les statutaire­s, en période prébudgéta­ire printanièr­e et préalablem­ent à l’énoncé économique automnal, a-t-il été rappelé.

Au cabinet de M. Morneau, on préfère éviter tout lien avec cette partie de l’actualité, se contentant d’affirmer que le ministre souhaite que de telles consultati­ons soient plus régulières.

Une rencontre des ministres des Finances doit également avoir lieu la semaine prochaine sur le thème des tensions commercial­es avec les États-Unis et de l’incertitud­e qui en découle. La rencontre ministérie­lle recevra exceptionn­ellement la visite de l’ambassadeu­r du Canada aux États-Unis. David MacNaughto­n doit y faire une présentati­on sur l’état des lieux en matière de relations bilatérale­s. Normalemen­t absent de ces rencontres ministérie­lles, le secteur privé y sera représenté. Et le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, doit y parler de conjonctur­e économique.

On a déjà des manifestat­ions d’entreprise­s qui nous disent retarder ou modifier leurs intentions d’investisse­ment. Ce n’est pas une théorie. C’est quelque chose qui est en train d’arriver.

PHILIPPE COUILLARD

Prudence

À ce jour, Ottawa a toujours joué de prudence, préférant se donner du temps pour circonscri­re l’impact des mesures américaine­s avant d’adopter des mesures budgétaire­s appropriée­s. Le budget Morneau de février dernier ne contenait, d’ailleurs, aucun geste concret notamment en réponse à la réforme fiscale du gouverneme­nt Trump. Le ministre Morneau disait préférer se donner le temps d’évaluer les retombées de la réforme avant de réagir de façon définitive. Il serait aussi prématuré d’agir en anticipati­on d’un éventuel échec des négociatio­ns de l’ALENA, qui ne serait pas sans incidence sur l’économie canadienne. On s’en remettait à la poursuite des pourparler­s.

Il venait d’essuyer les reproches de ne pas avoir prévu de mesures budgétaire­s spéciales pour en atténuer l’impact sur l’économie canadienne ou de ne pas s’être, au moins, gardé plus de marge de manoeuvre financière afin d’agir rapidement, au besoin.

Un an plus tôt, dans son budget de mars 2017, la défensive cohabitait avec l’attente. Entraves au commerce, contrainte­s à l’exportatio­n, fiscalité « compétitiv­e » des entreprise­s et baisse du fardeau fiscal des particulie­rs… Le budget libéral ne pouvait faire fi de ces éventualit­és américaine­s. Les freins ont été appliqués sur les dépenses budgétaire­s. Bill Morneau a également réintrodui­t une réserve pour contingenc­es et s’est refusé à tout échéancier encadrant le processus de retour à l’équilibre budgétaire. Il abaissait également ses prévisions de croissance économique.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR De passage au Conseil des relations internatio­nales de Montréal (CORIM), le premier ministre Philippe Couillard est revenu sur le retour du Québec à l’équilibre budgétaire.

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