Le Devoir

Cinq ans pour sortir des énergies fossiles

La CSN souhaite que la Caisse de dépôt et placement du Québec développe une stratégie de retrait graduel

- FRANÇOIS DESJARDINS

La CSN souhaite que les caisses de retraite du Québec, dont la Caisse de dépôt et placement, mettent en oeuvre une stratégie consistant à se retirer graduellem­ent des énergies fossiles.

Adoptée il y a quelques jours dans le cadre de l’établissem­ent d’une charte de l’environnem­ent lors d’un conseil confédéral, instance principale entre la tenue des congrès tous les trois ans, la résolution exprime le souhait d’un retrait qui se ferait sur un échéancier de cinq ans.

« Il faut faire ça de façon progressiv­e et ordonnée. On ne peut pas sortir du jour au lendemain, on a quand même des obligation­s fiduciaire­s », a dit lors d’une entrevue le trésorier de la CSN, Pierre Patry.

«D’une part, on évalue que nous ne sommes pas sur une trajectoir­e qui va nous permettre d’atteindre les objectifs de Paris, ni même les objectifs du gouverneme­nt du Québec, et qu’il faut accélérer la cadence, a dit M. Patry. Par ailleurs, le pétrole va devenir un actif risqué. »

La CSN n’a pas encore eu de contact avec la direction de la Caisse à ce sujet, a précisé M. Patry. Pendant des décennies, elle a eu un représenta­nt au conseil d’administra­tion de la Caisse, comme la FTQ, mais cette présence syndicale a pris fin il y a plusieurs années avec le renouvelle­ment régulier de la compositio­n des sièges.

La CSN compte 2000 syndicats regroupant quelque 300 000 membres. Un des grands déposants de la Caisse de dépôt, le régime de retraite du secteur public (RREGOP), couvre à lui seul environ « la moitié de nos membres », selon M. Patry.

Plan stratégiqu­e

La centrale n’a pas fait d’annonce officielle, sa position ayant plutôt été éventée jeudi matin par le groupe Sortons la Caisse du carbone. « La CSN porte ainsi à plus d’un demi-million le nombre de voix qui exhortent la CDPQ à se départir de ses investisse­ments dans ce secteur », a-t-il indiqué dans un message transmis aux médias. Même si la Caisse a mis en branle un plan visant à investir davantage dans les énergies propres, la stratégie ne va pas assez loin, selon lui.

La Caisse n’a pas voulu commenter spécifique­ment le cas présent. Un porteparol­e, Yann Langlais-Plante, a renvoyé Le Devoir au rapport sur l’investisse­ment durable publié en avril dernier de même qu’à une nouvelle politique de placement adoptée il y a huit mois.

La politique dévoilée à l’automne 2017 prévoit que la Caisse de dépôt et placement intensifie ses investisse­ments dans les actifs sobres en carbone. La Caisse, qui compte 40 déposants et gère un actif net d’environ 300 milliards, veut faire passer de 16 à 24 milliards ce type d’investisse­ment dans ses portefeuil­les d’ici 2020.

La Caisse veut aussi réduire de 25 % l’empreinte carbone pour chaque dollar investi, mais affirme qu’il n’est pas ques- tion de procéder à une liquidatio­n pure et simple de ses placements dans les énergies non renouvelab­les, comme le pétrole. Même avant la publicatio­n de la stratégie, sa direction affirmait depuis des années qu’il était à son avis préférable de miser sur un dialogue avec les entreprise­s plutôt que de sortir complèteme­nt d’un secteur. « Nous dialoguons avec la direction de certaines entreprise­s pour comprendre leur stratégie face aux changement­s climatique­s et l’influencer le cas échéant», a-t-elle écrit dans son rapport sur l’investisse­ment durable.

Les appels au désinvesti­ssement des énergies fossiles se sont multipliés au cours des dernières années, un mouvement auquel s’est notamment joint le Fonds des frères Rockefelle­r, mais aussi, à divers degrés, des grands investisse­urs. La banque HSBC, par exemple, a récemment annoncé son intention de cesser de financer l’exploitati­on des sables bitumineux. Elle a été précédée de quelques mois par la banque française BNP Paribas, qui a aussi voulu prendre ses distances des gaz de schiste et du pétrole de schiste.

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GETTY IMAGES Le pétrole deviendra un actif risqué, avance le trésorier de la CSN, Pierre Patry.

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